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Ecoutes de l'Elysée ou circulaire Rom : le Sarkogate est en place

Publié le 14 septembre 2010 par Juan
Ecoutes de l'Elysée ou circulaire Rom : le Sarkogate est en placeC'est une circulaire, une infamie et la preuve d'un mensonge. Depuis le 28 juillet dernier, le gouvernement ne se contente pas de faire respecter la loi sur les campements illicites, il a explicitement enjoint les préfets de cibler les roms. Lundi, Eric Besson était mal à l'aise pour réagir à cette révélation du weekend. Lundi aussi, le quotidien Le Monde annonçait qu'il portait plainte après une violation du secret des sources par l'Elysée. Les Français, eux, s'inquiètent toujours autant du chômage et de l'emploi.
Sarkozy ciblait bien les Roms
Pour contrer les polémiques qui ont accompagné les expulsions scénarisées de Roms cet été, le ministre de l'intérieur Brice Hortefeux a répété à de multiples reprises qu'il ne stigmatisait pas la communauté Rom. Le 30 août dernier, aux côtés de son collègue de l'identité nationale Eric Besson, il dressait le bilan de cette agitation sécuritaire estivale, avec quelques formules choc comme celle-ci : « Il ne s'agit, en aucun cas, de stigmatiser telle ou telle population - bien d'autres étrangers sont auteurs de crimes et délits.» En cause, non pas les expulsions elles-mêmes, mais le caractère collectif de la démarche. Pourtant, nombre d'organisations et d'institutions internationales (l'ONU, le Conseil de l'Europe, le Parlement européen, le Vatican, la Roumanie) ont dénoncé depuis des mois ce virage sarkozyen.
Puis, ce weekend, voici qu'une circulaire signée le 5 août dernier par Michel Bart, le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, a été publiée par le Canard Social, un site nantais sur l'actualité sociale. Le texte de cette circulaire est troublant, car la communauté Rom est explicitement désignée comme un cible prioritaire des destructions de campements sauvages.
Le Canard Social a pris soin de publier deux autres circulaires : une première, datée du 24 juin 2010 et signée par Eric Besson et Brice Hortefeux, décrit le mode opératoire des destructions de camps illicites. Elle ne cible pas les Roms. La destruction d'une gendarmerie à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), après la mort d'un jeune gitan de 22 ans tué la veille par un gendarme lors d'un contrôle routier, n'a eu lieu que le 11 juillet. Le 24 juin, la « chasse aux Roms » n'a pas officiellement débuté. Ce n'est que le 28 juillet suivant, après une réunion sur les « Roms et les gens du voyage », sans aucun représentant de ces communautés, que l'Elysée publie un communiqué fixant comme objectif de démanteler 300 campements illégaux. Et le 30 juillet, à Grenoble, Nicolas Sarkozy déclame son fameux discours amalgamant insécurité, immigration et même Roms. Cette circulaire de 8 pages vise à rappeler aux préfets les conditions dans lesquelles ils peuvent « procéder à l'évacuation des campements illicites » et « prendre des mesures d'éloignement de leurs occupants lorsque ceux-ci n'ont pas la nationalité française et se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire
Le 5 août, une nouvelle circulaire, émanant cette fois du seul ministère de l'intérieur (en l'occurrence Michel Bart, son directeur de cabinet), fait donc référence aux objectifs officiels de Nicolas Sarkozy du 28 juillet : « le président de la République a fixé des objectifs très précis, le 28 juillet dernier, pour l'évacuation des campements illicites : 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms.»
Et le directeur de cabinet insiste : « Il revient donc, dans chaque département, aux préfets d'engager, sur la base de l'état de la situation des 21 et 23 juillet, une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de roms. » Ou encore : « les opérations menées depuis le 28 juillet contre les campements de roms n'ont donné lieu qu'à un nombre trop limité de reconduites à la frontières. » Michel Bart joignait à son courrier quatre modèles de tableaux de bord de suivi hebdomadaire à remplir par les préfets : « état des campements illicites de roms »; « état des campements illicites de gens du voyage »; « nouvelles installations éventuelles de roms »; « nouvelles installations éventuelles de gens du voyage ». Bref, du début à la fin du texte de cette circulaire infamante, les roms sont explicitement ciblés et distingués des autres habitants éventuels de campements illicites.
Lundi matin, sur France 2, Eric Besson, fraîchement marié, était évidemment gêné, et a prétexté ne pas être au courant : « « Cette circulaire, je ne la connaissais pas, je n'en étais pas destinataire et je n’avais pas à la connaître (...). Je ne sais pas si c'est une maladresse, c’est au ministère de l’Intérieur et plus exactement au directeur de cabinet d’en répondre. » Le ministre peut être gêné. Le 30 août dernier, quand Brice Hortefeux lâchait ses statistiques inédites de délinquance roumaine, Besson le justifiait en expliquant : « Notre droit ne connaît les étrangers qu'à raison de leur nationalité. Les Roms ne sont pas considérés en tant que tels, mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité .»
Sarkozy ciblait aussi Le Monde
Lundi, le quotidien Le Monde a décidé de porter plainte contre X pour violation du secret des sources, par l'Elysée, dans l'affaire Woerth. Pourquoi donc « contre X » ? Sans doute parce qu'il est inutile d'attaquer judiciairement un président protégé par son immunité. Mais l'accusation du journal est explicite : « Afin d'identifier la source d'informations parues dans Le Monde sur l'affaire Woerth-Bettencourt et de tenter de mettre un terme aux révélations sur cette enquête, l'Elysée a eu recours, courant juillet, à des procédés qui enfreignent directement la loi sur la protection du secret des sources des journalistes. » En d'autres termes, l'éviction de David Sénat du cabinet de la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, révélée par Marianne2 voici 15 jours, est la conséquence d'une enquête illicite des services de renseignements français, demandée par la Présidence de la République, après la publication par le Monde en juillet dernier d'extraits de procès verbaux d'audition de Patrice de Maistre. David Sénat a été depuis muté ... à Cayenne. On croit rêver.
Le Nouvel Observateur avait révélé l'intervention, confirmée, de la DCRI. Le Monde a obtenu une autre information : la mise sur écoute de David Sénat a donné lieu à une transmission par la DCRI à l'Elysée d'un listing des personnes contactées, dont Gérard Davet, journaliste au Monde qui couvre l'affaire Woerth/Bettencourt. L'Elysée a démenti une quelconque demande d'enquête de la DCRI sur cette affaire.
Le journaliste espionné s'est exclamé:  « On ne peut pas laisser tout faire. » Sur Public Sénat, Gérard Davet rappelle aussi que, bizarrement, d'autres procès-verbaux ont été très facilement accessibles, grâce au soutien direct de l'Elysée : , quand l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, explique aux policiers qui l'interrogent que Mediapart a quelque peu romancé sa version, tous les quotidiens nationaux sont contactés, et le Figaro se permet même de publier un fac-similé du PV. Claude Guéant a appelé quelques journalistes pour leur donner en personne l'information...
La nouvelle loi Dati sur la protection des sources des journalistes précise pourtant clairement les exceptions : « il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie, et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.»
Lors des débats parlementaires en mars 2008, Rachida Dati, alors garde des Sceaux, avait justifié ces exceptions inquiétantes, en citant les cas de terrorisme ou d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Nous avons donc la confirmation, involontaire, que l'affaire Woerth est bel et bien une affaire d'Etat.
Mais Sarkozy se cache
Il ne faut évidemment pas attendre de réaction officielle de Nicolas Sarkozy sur ces deux affaires. Le chef de Sarkofrance, si prompt à menacer toutes sortes de boucs-émissaires quand il s'exprime seul et sur estrade, apparaît rarement quand il s'agit de répondre à des accusations ou des troubles. Car sa majorité est troublée. Lundi matin, Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, ne savait pas quoi répondre à Jean-Jacques Bourdin sur RMC, à propos des circulaires Hortefeux. Lundi soir sur CANAL+, Rachida Dati exprimait à nouveau ses critiques sur la politique sécuritaire de Brice Hortefeux. Ce dernier, le même jour, a signé de sa main une nouvelle circulaire contre les campements sauvages « quels qu'en soient les occupants », comme si la stigmatisation estivale des roms, désormais connue et prouvée, pouvait être effacée par cette correction administrative.
De son côté, Nicolas Sarkozy recevait des associations de personnes handicapées lundi matin à l'Elysée. Inquiètes des projets de réduction des dépenses d'intervention, c'est-à-dire des prestations sociales, ces dernières ont été rassurées: l'allocation handicapée (actuellement de 697 euros par mois), versée à près de 900.000 personnes, ne sera pas baissée.
Semaine après semaine, Nicolas Sarkozy redistribue d'une main ce que les François Baroin et Fillon tentent d'économiser de l'autre.
L'élection présidentielle se prépare.


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