A propos de Une Chinoise de Xiaolu Guo 4 out of 5 stars
Dans un village au fin fond de la Chine, Li Mei, une jeune femme erre et s’ennuie à mourir. Sa mère est agricultrice, son père ramasse des déchets. Elle-même tient un misérable billard aux clients paresseux et ventrus. Ne supportant plus la torpeur qui assomme le village, consciente du peu d’avenir qu’elle a à rester ici, Li Mei décide un jour de partir tenter sa chance à Shenzhen. Premier échec. Puis elle partira en Occident visiter Londres. Deuxième échec.
C’est un beau portrait de femme que ce Une chinoise. Un documentaire émouvant en forme d’hommage à ceux qui fuient de plus en plus nombreux leur pays mais se retrouvent condamnés à errer comme des exilés indésirables et sans papiers, des émigrés proscrits n’existant plus pour aucun pays. Li Mei est comme une hors-la-loi. Qu’a-t-elle fait de mal pourtant ? Rien. Elle souhaitait simplement quitter la misère de sa région et espérait trouver en Europe un monde meilleur. Le résultat ? Devenue apatride, bannie de son pays, Li Mei est une émigrée clandestine en Angleterre. Une ombre, un fantôme que la société ne voit même pas.
L’agriculture chinoise est encore très précaire et la pauvreté immense dans ses campagnes. Il y a pourtant un étonnant paradoxe entre les conditions de vie misérables de ces agriculteurs et l’industrialisation forcenée de la campagne chinoise. Les plans de Xiaolu Guo montrent les changements radicaux du paysage rural (constructions de ponts, de barrages, d’autoroutes), mais ce développement économique ne profite absolument pas à la population rurale, dont l’agriculture se fait encore avec des bêtes tirant des charrues. C’est un constat connu et un premier paradoxe : l’industrialisation forcenée de la Chine ne bénéficie pas à tous. Loin de là.
Contrairement à l’héroïne du film de Konchalovsky, Gloss, qui connaitra les feux de la rampe alors qu’elle était aussi issue de la campagne, Li Mei va de désillusion en drame. Réfugiée dans un premier temps à Shenzhen, elle est embauchée comme coiffeuse, à moitié prostituée, mais tombe amoureuse d’un voyou qui vit de combats à mains nues et finira assassiné…
Joyeuse entrée en matière. La suite n’augure rien de mieux. Ayant rejoint Londres (visa obtenu on ne sait pas trop comment), Li-Mei épouse un vieil Anglais pour se faire naturaliser et obtenir des papiers. Mais rapidement mise dehors par le vieil Anglais (qui lui lance un éloquent « Fuck off !»), Li Mei tombe amoureuse du livreur de pizza indien en bas de chez elle (qui s’appelle Rachid, tiens, un nom… très indien), qui éprouve lui aussi rapidement de la lassitude et du détachement pour la jeune Chinoise. En même temps que le mal de son propre pays.
Mais qu’ont donc tous les Hommes à se lasser si vite de la pourtant si jolie Li Mei ?
La question du film, outre d’essayer de se représenter le problème de plus en plus irrésoluble des populations déracinées et condamnées à vivre dans le dénuement et l’indifférence totale (alors que les gouvernements ont de plus en plus de mal à régler ces flux migratoires de plus en plus nombreux), c’est de cerner la personnalité de Li Mei.
Qui est-elle vraiment ? Que veut-elle vraiment faire de sa vie ? A quoi aspire-telle vraiment ? C’est cette question qui pose problème. Car la jeune Chinoise parait aussi un peu oisive et manquer d’ambition, subissant sa vie. Une phrase du film dit d’ailleurs : « Parfois, on se demande qui on est vraiment ? ». Cela n’enlève rien aux malheurs amoureux de Li Mei.
Tombée enceinte de Rachid en même temps qu’abandonnée par lui, Li-Mei continuera son errance sur les routes, au son des guitares déchainées et saturées de John Parish et P J Harvey. Tout est mal qui finit mal. La misère ne s’arrêtera jamais. C’est un fléau…