Le projet de révision des lois de bioéthique a été dévoilé officiellement hier et devrait être présenté dans quelques semaines en conseil des ministres. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a assuré que son texte comportait « un certain nombre de dispositions innovantes, mais aucune ne vient percuter les principes cardinaux ».
Cependant, le mot « révolution » est utilisé aujourd’hui par plusieurs médias pour évoquer la mesure la plus commentée du projet : la possibilité de levée l’anonymat des donneurs de gamètes. Il est en effet prévu de créer un droit d’accès aux « données non identifiantes ». A leur majorité, les enfants nés d’un don de gamète pourront obtenir des renseignements sur certaines données médicales, mais aussi sur la taille du donneur, sur son origine géographique et son niveau socioprofessionnel (au moment du don, on le suppose). En outre, en cas d’accord du donneur ou de la donneuse, il sera même possible de connaître son identité.
Une mesure qui risque de dissuader encore plus les donneurs
En quelques lignes, le texte de Roselyne Bachelot est donc revenu sur l’un des « piliers » de notre système selon Dominique Le Lannou, qui dirige le Cecos de Rennes. « Remettre en cause l’anonymat risque de bousculer un système qui permet à mille enfants par an de voir le jour », estime-t-il cité par Ouest France. Ce que redoute ce responsable du Cecos depuis plus de trente ans, c’est un effondrement des dons, alors qu’une pénurie est déjà dénoncée depuis plusieurs années. D’ailleurs, les coups de téléphone dont ont été assaillis les Cecos hier et les témoignages de donneurs inquiets et réticents publiés aujourd’hui par la presse révèlent un climat si non de rejet, tout du moins de circonspection. Roselyne Bachelot veut pour sa part croire que cette mesure permettra une « responsabilisation des dons » et rappelle qu’elle s’inscrit dans un « mouvement général en Europe ».
Minorité bruyante
L’Europe entière a en effet vu émerger les protestations d’enfants nés grâce à des dons de gamètes soucieux de connaître leurs origines biologiques. Cependant, les spécialistes considèrent que si ces requêtes sont très médiatisées, elles restent marginales. C’est notamment le point de vue du pédopsychiatre Christian Flavigny (hôpital La Pitié Salpêtrière) interrogé dans Elle et qui parle d’une « minorité bruyante ». Pour lui, la levée de l’anonymat n’est pas sans danger, laissant « planer un spectre, une famille fantôme ». Il rappelle en outre que la « filiation n’est pas biologique, elle ne se fait pas dans le chromosome mais dans les relations que tissent parents et enfants. Un problème de construction psychologique peut donc apparaître chez l’enfant en entretenant une requête chargée d’illusion et d’idéalisation ». Dans la Croix, le psychologue Jean-Loup Clément propose une analyse similaire.
Au sein des familles concernées, beaucoup partagent cette hostilité à une telle mesure. Thierry Guillin, président de l’association L’enfant de l’espoir, contacté par Paris Match déclare sans nuance : « Je ne comprends pas l’intérêt ». Mais d’autres comme, Pauline Tiberghien, présidente de l’association Procréation Médicalement Assistée (PMA) a salué « Un vrai pas en avant ».
Dons d’organes croisés
D’autres voix considéreront peut-être que ce qui aurait été un vrai grand pas en avant, une révolution plus prometteuse, aurait été d’autoriser de façon claire la recherche sur les cellules souches embryonnaires, qui reste l’objet d’une interdiction avec possibilité de dérogation ! Mais le texte comporte cependant au moins une évolution qui ne devrait pas faire polémique et entraîner des changements réellement positifs : l’autorisation des dons d’organe croisés. La France est l’un des derniers pays en Europe avec le Portugal à proscrire cette possibilité qui permet pourtant d’accroître très significativement le nombre de don d’organes issus de vivants.
Source : Journal international de médecine
Sur AP-HP Actualités, le point de vue du Pr Jean-Philippe Wolf, du Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) de l’hôpital Cochin (AP-HP)
[France 3, Le Soir 3, 01/09/2010] C’est un espoir pour les enfants issus d’un don de sperme qui souhaitent savoir qui est leur père biologique. Un projet de loi du Ministère de la santé proposerait d’accéder à l’identité du donneur si celui donne son accord. En France, le don de gamètes, sperme ou ovocytes est anonyme. L’évolution de la loi irait dans le sens d’un mouvement général en Europe pour davantage responsabiliser les dons. Mais, le Pr Jean-Philippe Wolf, du Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) de l’hôpital Cochin (AP-HP), donne l’exemple de la Suède, où la levée de l’anonymat en 1985 a entrainé des répercussions telles, que les gens sont partis au Danemark chercher le sperme qu’il ne peuvent plus avoir de manière anonyme dans leur pays, du fait du manque de donneurs. Le projet de loi sera présenté au Conseil des ministres fin septembre, puis examiné par le Parlement en novembre. Le texte prévoit également de maintenir l’interdiction de la gestation pour autrui, du transfert d’embryon post mortem ou d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux célibataires ou aux homosexuels.
Source : AP-HP Actualités