Genre : Comédie dramatique
Année : 2006
Durée : 110min
L'histoire : La juge d'instruction Jeanne Charmant-Killman est chargée d'un important dossier d'abus de biens sociaux. Son enquête, délicate, entremêle politique et industriels. Il fait d'emblée incarcérer le président d'un grand groupe, Humeau, lequel, atteint d'une maladie de peau urticante, est l'objet d'un acharnement de sa part (elle l'interroge sans cesse). Il finit, affaibli, par céder, et le vrai travail de la juge commence, en eaux troubles...
La critique de ClashDoherty :
Claude Chabrol nous a quittés hier, 80 balais. En 2006, il sortait L'Ivresse Du Pouvoir, son avant-dernier film, une comédie dramatique féroce.
Le film, rediffusé hier sur France 2 (en prime-time) en hommage, n'est peut-être pas le sommet absolu de Chabrol (des classiques comme La Cérémonie, Que La Bête Meure, Les Fantômes Du Chapelier, Le Boucher, sont indépassables, mais en même temps, on n'est pas, ici, dans le même style de film) Mais L'Ivresse Du Pouvoir, interprété par Isabelle Huppert, François Berléand, Patrick Bruel, Roger Dumas, Jean-François Balmer, Marilyne Canto, Thomas Chabrol, Robin Renucci, Pierre Vernier et Philippe Duclos, est un excellent film, qui mérite amplement la (très bonne) note que je lui attribue, et qui n'est donc pas une note de sympathie envers Chabrol.
Malgré l'avertissement de départ indiquant que toute personne, tous faits, ressemblant à des personnes ou faits réel(le)s seraient une coincidence, purement fortuite (pas texto, mais ce genre ce texte), le film se base carrément sur l'affaire Elf, qui a eu un grand retentissement (Alfred Sirven, Loïc Le Floch-Prigent, Roland Dumas, Christine Deviers-Joncourt...), et le personnage de la juge jouée par Isabelle Huppert est directement inspiré par une vraie juge, Eva Joly. Cette dernière reprochera au film une immersion agressive sur sa vie privée, remplie de détails sordides et inexacts.
Le film fera polémique, même si Chabrol (pas con, le mec) ne cite rien. Enfin, c'est plus qu'évident : Roger Dumas pour jouer un politicien faisant penser à Roland Dumas (déjà, l'homonymie est amusante), la pute de luxe accompagnant son personnage fait penser à la sulfureuse Christine Deviers-Joncourt, un politicien apparemment véreux et au fort accent du sud fait penser à Pasqua, un autre fait penser à André Santini (pure ressemblance, en revanche)... et, bien évidemment, Berléand, dont le personnage est en fait Loïc Le Floch-Prigent (je ne parle pas du look, quoiqu'il soit ressemblant, mais de sa position, de sa maladie de peau, etc...), sans parler de cet homme que l'on ne voit jamais et qui se planque sous les tropiques (Sirven ?) et du nom de la société, FMG, soit ELF avec, à chaque fois, une lettre de décalage (F=E, M=L, G=F)...et il y à d'autres points de comparaison !
Drôle et cynique, féroce et chargé, L'Ivresse Du Pouvoir est un pamhplet au vitriol qui permet à Chabrol de règler son compte à une affaire judiciaire embrouillée ayant bien foutu sa merde au moment de son éclatement. Dans un sens, le film fait penser à du Mocky de la grande époque (on tremble rien qu'à penser au film que Mocky aurait pu faire sur le sujet : il aurait été plus cynique, caustique et violent, et n'aurait sans doute même pas pensé à modifier les personnages et sociétés), en meilleur.
Superbement bien interprété (Huppert, Berléand, Thomas Chabrol - un des enfants du réalisateur - et Bruel en tête), réalisé avec sobriété et classe, bien écrit, passionnant de bout en bout, parfois drôle (l'interrogatoire de Balmer) et parfois tendu (Berléand craquant et pleurant comme un môme devant une Huppert assez froide et distante, qui sait qui elle a devant elle). Un excellent film tenant à la fois de la comédie, du drame et du polar politico-judiciaire. A voir !
Note : 17/20