Dans cette courte nouvelle, seulement quelques pages, mais combien perturbante intitulée Les lèvres roses et gercées du fiancé de Rosie débute ainsi :
Les invités du mariage contemplent les lèvres et roses du fiancé de Rosie. Ils regardent ses lèvres à elle qui doivent leur rose pourpre à l’artifice, songent-ils, non à la maladie, Rosie peut-elle voir ce qu’ils voient ? Que son tout nouveau mari respire la maladie par tous les pores ? Le mal fleurit dans les touffes luisantes de ses cheveux ; il prospère sous cette peau qui brunit, derrière le blanc des yeux plus blanc que la nature ne l’a voulu, dans ces lèvres violemment écarlates, le sang, dessous, menaçant de jaillir sous la peau fissurée.
Il s’agit de son deuxième mariage, tout le monde le sait.
Il a déjà enterré une épouse, même Rosie le sait.
Rosie ne sait pas, cependant, qu’il a également enterré deux petites amies, sinon plus.
Première de l’auteure, traduction française de la version originale «An elegy for Easterly». Ce recueil de treize nouvelles, qui, au fil des pages, réussit admirablement à transmettre cette atmosphère, ce climat, cette anarchie de dialecte, d’ethnie et de culture très propre au Zimbabwe, qui pour nous occidentaux, incarne très bien l’africanisme. Un très beau, trop court voyage. Petina Gappah, native du Zimbabwe, écrit en anglais et le shona sa langue maternelle, diplômée en droit de l’université du Zimbabwe et de Cambridge et de Graz. Aujourd’hui, elle est avocate et vit à Genève.