Article sur les collectes de fonds et les réseaux sociaux des ONG… intéressant, lu sur Épisode.
La rubrique de Daniel Asselin :
Le Web 2.0. ou Web participatif est à présent connu de tous, et est devenu un outil marketing incontournable en termes de communication pour de nombreuses entreprises, par l’utilisation de blogues, de Twitter, de Facebook ou autres. Depuis quelques temps, cette tendance participative gagne le domaine philanthropique. Ainsi, cette année, la neuvième édition du Global Philanthropy Forum, conférence qui réunit grands donateurs et investisseurs sociaux, pourra être suivie pour la première fois sur Twitter. Mais qu’en est-il vraiment, et quelles peuvent être l’apport du Web 2.0. et des tendances participatives dans le domaine de la collecte de fonds?
Les catastrophes naturelles ou l’urgence d’agir
Lors du tremblement de terre en Haïti, les outils comme Twitter, Facebook ou encore Flickr ont permis une grande réactivité et une diffusion rapide des informations. De même, dans un deuxième temps, les médias sociaux ont été le lieu d’une mobilisation importante pour soutenir les victimes du séisme et toutes les grandes ONG les ont d’ailleurs utilisés pour informer, sensibiliser et collecter des fonds. Ainsi, la Croix Rouge américaine a collecté 31 millions de dollars grâce à des dons par SMS de 10 dollars chacun. Les appels au soutien lancés par les particuliers sur Myspace ou Facebook ou autres, relayant les appels des principales organisations d’aide internationale, ont connu une croissance exponentielle, signe d’une propagation virale efficace de la cyber-philanthropie. Au Québec, profitant de cette vague, un Webothon-Haiti a été organisé à l’initiative de Michelle Blanc dans les studios de VOXTV à Montréal, le 21 février 2010. Couplant Web, télévision et médias sociaux, l’évènement a réuni des intervenants francophones de plusieurs pays et régions (Québec, France, Belgique, Haïti).
Des nouvelles formes de collecte de fonds
Contrairement à ce que son nom laisse entendre, le Webothon n’est pas un calque du Téléthon et «se voulait (…) avant tout une tribune pour parler d’Haiti et faire en sorte que les médias sociaux soient utilisés plus fréquemment et de manière plus pertinente en période de crise par les organismes caritatifs», comme le note Sacha Declomesnil sur son blog consacré à la philanthropie 2.0.
Les grandes entreprises ne sont pas en reste, comme en témoigne la stratégie de marketing social de Pepsi qui mise sur l’alliance entre médias sociaux et positionnement philanthropique, aux dépends des médias traditionnels, avec la création du site Refresh everything. Choisissant de ne pas acheter d’espaces publicitaires lors du SuperBowl, Pepsi va utiliser les 20 millions $ économisé pour financer des projets philanthropiques, proposés et choisis par les citoyens sur un site internet dédié. On pourrait citer également, dans le domaine philanthropique, l’organisme américain Pathway to Housing, venant en aide aux itinérants qui a utilisé pour sa campagne les nouvelles formes de collecte de fonds de manière créative, à l’aide d’un dispositif original alliant le don par SMS et la tendance interactive propre aux médias sociaux : un sans-abri virtuel est projeté sur un mur et accompagné d’un appel au don, interpellant les passants. Puis, lorsque ces derniers envoient un SMS au numéro indiqué, permettant de faire une contribution, il se lève et quitte l’écran par une porte, symbolisant de manière concrète ce qui est rendu possible grâce aux dons effectués. Plus généralement, on observe une utilisation de plus en plus importante des médias sociaux pour la sollicitation en ligne, par exemple lors de défis sportifs: les participants peuvent, dans ce cadre, tirer partie de ces outils afin de mobiliser leurs pairs pour la cause qu’ils défendent.
Ces nouvelles pratiques de la philanthropie et de la collecte de fonds partagent les mêmes objectifs : susciter la participation, l’interaction et favoriser l’émergence de communautés solidaires, réunies autour des mêmes causes, comme le montrent l’émergence croissante de médias solidaires comme GoodnessTV à Montréal, Youphil en France ou Massive Goods aux États-Unis.
L’impact véritable de ces nouvelles stratégies philanthropiques
La philanthropie 2.0. est donc en marche. Cependant, peut-on pour autant considérer ces outils comme efficaces en termes de collecte de fonds? Selon le rapport 2009 sur la situation de la collecte de fonds au Canada de l’AFP, la sollicitation de dons par Internet a été utilisée par 70 % des répondants canadiens, signe de la place importante du Web pour les acteurs de la philanthropie, mais on dispose encore de peu de statistiques fiables ou d’analyses sur le phénomène des médias sociaux. Trois études américaines récentes permettent de donner quelques éléments de réponse : il s’agit du livre blanc Making Events Participants More Successfull with Social Media Tools (Blackbaud-Charity Dynamics), de l’étude M+R Strategic Services sur les médias sociaux et le secteur non-lucratif (2010 Nonprofit Social Media Benchmark Study) et enfin de l’étude NTEN, Common Knowledge et ThePort Nonprofit Social Network Benchmark Report, parue en avril 2010.
Les études M+R Strategic et NTEN montrent que les médias sociaux sont utiles pour une organisation philanthropique afin de sensibiliser de nouvelles personnes à sa cause: ainsi, l’augmentation de nombre de «fans» sur Facebook est en moyenne de 3,75 % par mois et de 9 % pour Twitter, contre seulement 1,4 % par courriel. Cependant, ces fans sont inconstants: «easy come, easy go», tel pourrait être l’adage de ce public parfois volatil qu’il convient de fidéliser en ne postant ni trop, ni trop peu… En ce qui concerne la collecte de fonds, les résultats de l’application Facebook «Causes» apparaissent, malgré ses promesses, comme décevantes: ainsi, 77 % des 180000 organismes présents sur Facebook ont amassé moins de 1000 $. Cependant, cette tendance peut s’inverser lors de catastrophes majeures comme celle d’Haïti où l’application a permis à Oxfam America d’amasser plus de 100000 $. Comme le dit un responsable de l’organisme Nature Conservancy cité dans l’étude M+R Strategic: «il s’agit d’abord et avant tout d’un outil pour l’image de marque…Le résultat est plus significatif en termes d’influence que de collecte de fonds.»
La collecte de fonds via les médias sociaux pourrait pourtant se révéler intéressante dans certains cas, si l’on en croit l’étude Blackbaud-Charity Dynamics, et notamment pour les participants à des évènements au profit d’organismes non-lucratifs cherchant à collecter des fonds en ligne. L’étude montre en effet que les participants à des évènements «P2P» qui utilisent les médias sociaux ont des objectifs de collecte plus élevés que les autres, amassent 40 % de plus et rejoignent davantage de nouveaux donateurs, en moyenne plus jeunes. Les médias sociaux apparaissent dans ce cas comme un outil véritablement complémentaire au courriel.
Des stratégies d’avenir ?
Quoiqu’il en soit, ces nouveaux outils que sont les médias sociaux ne sont utiles que si les organismes ou les personnes s’y investissent régulièrement et à long terme, offrant un contenu de qualité. Si les résultats concernant la collecte de fonds ne sont pas encore spectaculaires et ce, même si 46 % des organisations avouent être présentes sur Facebook pour augmenter leurs dons, Épisode estime que ces outils sont devenus somme toute incontournables pour rassembler autour d’une cause et pour fidéliser des donateurs potentiels, démarche essentielle dans toute collecte de fonds, et qu’ils constituent des moyens privilégiés pour construire une communauté et informer.