Si tu as deux minutes à perdre (voire davantage, pour peu que tu sois, par exemple, entraîneur de l’équipe de France de football ou Ministre de la Relance), amuse-toi à chercher « devenir con » sur Google.
Juste ça: « devenir con ».
Tu y es?
Bon.
Quel est la première phrase qui t’est immédiatement suggérée? En dehors de « lire un blog de fille« , évidemment.
Ben oui, « devenir consultant » , avec 655 000 résultats en 0,14 secondes. Et ça marche aussi avec Yahoo.
A croire que tout le monde n’a qu’un désir, en dehors de celui de se taper Megan Fox ou Brad Pitt (raye la mention inutile ou rajoute la pouffe et le connard de ton choix): intégrer Blabla Consulting Inc. ou n’importe laquelle de ses filiales, ces oasis de paix et de bonheur où la moindre demi-journée de boulot ne se facture jamais à moins de 1500 euros (hors taxes, évidemment). Se fringuer en Armani ou en Hugo Boss (dans ce métier, le jogging et les chemises hawaïennes sont proscrites, sinon ça serait le bordel). Porter des Berluti impeccablement cirées (au point qu’elles brillent même dans le noir). Ne s’exprimer que dans un savant mélange de mandarin, de swahili et de lapon mâtiné d’anglais, histoire de bien faire comprendre à son interlocuteur qu’il n’est qu’une sous-merde à peine rendue au stade d’évolution de la paramécie.
Le consultant est beau, bien fringué, avec des ongles parfaitement manucurés, un matos qui déchire son slip (pas question de se trimballer avec un notebook de moins de 2000 euros, ça fait tache) et un sourire de winner qui te fait immédiatement penser qu’il a été élu capitaine de l’équipe de football à Yale, meilleur camarade de promo à Cambridge et meilleur coup sur Meetic VIP. Du coup, pour le vulgum pecus, ce statut tant convoité peut sembler tragiquement inaccessible.
C’est là que le vulgum pecus se plante, se gourre, se méprend et s’illusionne, ma courge.
Quand j’ai intégré la Boîte, ma fiche de poste disait « consultant métier chargée des évolutions fonctionnelles ». Ou CMCDEF, parce que les acronymes ça déchire grave quand on veut se faire mousser dans une entreprise du secteur tertiaire, alors que dans l’agriculture, tout de suite, c’est moins sexy (ECQCUTEATVC pour « exploitant céréalier qui conduit un tracteur et a toujours voté Chirac » , ça le fait moyen).
Foin de toutes ces jean-foutreries, soyons sérieux deux minutes: je n’ai pas fait HEC, je n’ai pas de MBA, je ne connais rien à l’ECR et le seul BCG que je connaisse m’a laissé une vilaine marque rouge sur le biceps gauche. Je ne mets jamais de jupes, encore moins de tailleurs de marque, et j’ai tendance à étaler le rimmel à la truelle, ce qui donne un résultat à mi-chemin entre Marilyn Manson (un matin de gueule de bois carabinée) et Boy Georges (période drag-queen rastafari cocaïnée jusqu’aux oreilles).
Me voilà pourtant bombardée CMCDEF (qu’on peut également épeler AQNVRDMQSLP, pour Acronyme Qui Ne Veut Rien Dire Mais Qui Se La Pète).
Mon secret, ma dinde?
J’ai été abonnée à Pif Gadget pendant dix ans.
Comme toi, lectrice de plus de trente ans, j’ai donc vainement tenté d’éviter que mes Artemia Salina ne rendent pitoyablement l’âme au bout de quelques heures, et j’ai allègrement tripoté mes Pois Sauteurs en ignorant qu’ils contenaient des larves à seize pattes. Je me suis évertuée à monter des pièces de plastique made in Taïwan à moitié fondues et j’ai désespérément essayé de faire correspondre deux demi-cercles qui n’avaient pas le même diamètre et qui étaient censés constituer une sphère.
Conséquemment, j’ai acquis une certaine connaissance de l’arnaque et du pipeau à deux trous.
Devenir consultant, c’est pas très compliqué: il te suffit de prendre les gens pour des gros cons, de leur refourguer ta soupe après l’avoir bien touillée pour que personne ne s’aperçoive que c’est rien que du bouillon cube mélangé à du Viandox périmé depuis 1986, et de leur lécher les bottes avec suffisamment d’enthousiasme pour qu’ils se persuadent eux-mêmes que tu les rends meilleurs, plus beaux, plus puissants et moins frustrés, ce qui te permet rapidement d’engranger mensuellement le revenu annuel d’un cadre supérieur togolais (demande à Loïc le Meur).
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En fait, quand on y réfléchit, c’est un peu comme tenir un blog de fille fashion, hype, ultra-populaire et very bankable.
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