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Lire un mandala...

Publié le 12 septembre 2010 par Eric Acouphene
Tous les mandala ne sont pas éphémères. La plupart sontpeints sur du tissu avec de vraies couleurs. Ils ne comportent aucune référenceau monde phénoménal et demeurent enfouis dans la nuit des monastères. Cet artnaît entre le VIIème siècle, époque où le bouddhisme pénètre le Tibet, et leXIème siècle. Terme sanskrit qui signifie «disque» ou «cercle», diagramme oùles couleurs et les figures sont déployées autour d'un axe central, le mandalaest destiné à la méditation. Lui seul réunit toute la gamme des déités dupanthéon tibétain.
Le chiffre cinq gouverne le mandala. Dans son disque, dominenttour à tour cinq ères, cinq enceintes, cinq Bouddhas ou Jinas : vainqueurs.Cinq couleurs rythment ce diagramme : le bleu foncé, le jaune, le rouge, levert et le blanc. A chacune, correspond une passion. Au bleu, la colère, aujaune, l'orgueil, au rouge, la concupiscence, au vert, la jalousie, au blanc,les ténèbres mentales. Cette peinture recèle un enseignement qui annonce lapsychanalyse, la physique des particules élémentaires, la notion de patrimoinegénétique ! Certains ont parlé à son propos de «gymnastique mentale».Lire un mandala...Lire un mandala, c'est le parcourir du regard en tournantdans le sens des aiguilles d'une montre, en traverser des yeux les airescolorées, en franchir les différentes enceintes, pour finalement en atteindrele centre. Mais non sans s'être au préalable délesté de nos passions, non sansavoir réalisé que ce «moi», à la fois acquis et inné, dont nous sommes si fiersen Occident, tout compte fait, n'est qu'une illusion. Au centre, figure laconscience claire et supérieure à laquelle on doit s'identifier. Des initiésparlent d' «extinction du moi», d'«éveil». Alors, le monde phénoménal qui nousentoure, et dont l'existence devait à nos sens à présent domptés, apparaît àson tour comme une illusion. Mais la physique des particules élémentaires nenous enseigne-t-elle pas que la matière, en apparence immobile, solide, est enréalité composée d'atomes, de neutrons, d'ondes ? Ainsi la roue du tempsn'est-elle pas destinée à flatter notre sens esthétique.Au Tibet, l'art pour l'art n'existe pas. Ces couples enunion disent le mariage de la connaissance et de la sagesse. Ces Jinasharmonieux, la route qu'il faut emprunter. Ces démons vigoureux, qu'il estdangereux de s'abandonner à ses passions. Cette sensualité à l'œuvre estd'abord au service de l'esprit, du vide. Et du bien. Car celui qui parvient àcette «extinction du moi», celui-là devient plus disponible aux autres ; lapratique du vide annonce celle de la compassion. Art millénaire, éminemmentcanonique, respectueux des règles, art utile, le mandala n'en fait pas moinsappel aux artistes les plus doués. Plus les démons font peur ou plus lesétreintes sont fortes, ou les Bouddhas songeurs, ou les couleurs intenses, ensomme plus l'indicible s'inscrit dans le mandala, et plus cette œuvre gagne enrichesse spirituelle.Jean-Pierre Barou (auteur de «L'oeil pense», Balland)
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