On se souvient de la récente querelle entre Roger Milla et Samuel Eto'o, dont les braises sont encore chaudes. Sur cette affaire précise, Milla a démontré toute sa mauvaise foi et tout son égocentrisme. Ses supporters n'en voulaient rien savoir, au seul prétexte que Roger's est un héros vivant, et ils se sont sérieusement crêpé le chignon avec les fans de Samuel Eto'o. Pourtant, à y regarder de près, ces deux personnalités se ressemblent étrangement.
On ne parlera plus du talent footballistique de nos deux "9", les meilleurs que le Cameroun ait jamais produits. Intéressons nous à un défaut que ces deux grands footballeurs ont en commun : les carences en matière de communication. Celle-ci est souvent maladroite, parfois outrancière, toujours mal programmée, et généralement tout cela en même temps.
Samuel Eto'o : de la classe balle au pied, mais pas devant les micros.
Témoin, la dernière sortie médiatique de Samuel Eto'o, dont des extraits sont publiés par Le Jour. Le capitaine des Lions y démontre encore que, tel l'albatros de Baudelaire, il est décidément gauche et maladroit dès qu'il sort de son élément, la pelouse verte des stades de foot. Face aux micros, le discours de notre compatriote est à l'exact opposé de son jeu sur le terrain de football. Les maladresses de style et les révélations abruptes le disputent à l'expression quasi obsessionnelle d'un super-ego qui affleure à chaque détour de phrase.
Le seul avantage dans ce naufrage communicationnel, c'est qu'avec Eto'o les secrets ne restent jamais enfouis très longtemps. On commence ainsi à comprendre ce qui s'est passé en Afrique du Sud, sous réserve des contre-révélations que pourraient faire d'autres protagonistes qui ont participé à cette malheureuse équipée. Pourtant, ce qu'on apprend fait froid dans le dos : la révélation sur les 200 millions que Samuel Eto'o aurait dépensés est notamment très préoccupante. Elle confirme en fait ce qu'on soupçonnait sans vouloir vraiment y croire : il y a bien une question d'argent entre Eto'o et le Cameroun.
Il ne pouvait en être autrement. Non pas seulement parce que le Milanais gagne en euros ce qu'un ministre camerounais touche en CFA dévalués (soit, en chiffres constants, 650 fois plus) et que le Cameroun tout entier est rongé par l'avidité de l'argent, mais parce que Samuel Eto'o, de par son parcours et de par sa personnalité, n'a pas été "programmé" pour gérer une situation pareille. J'insiste sur la personnalité : rien n'interdit d'être très riche et très modeste en même temps, c'est juste une question de tempérament.
L'image que Samuel Eto'o donne à chaque conférence de presse, c'est celle d'un jeune homme qui n'en revient pas lui-même d'être aussi riche, aussi célèbre et aussi admiré, et qui éprouve donc le besoin de parler toutes les cinq minutes de sa situation, comme s'il craignait que ceux qui sont en face de lui ne l'oublient. Pour utiliser un terme gentil, on dira qu'il ne s'est jamais habitué à sa bonne fortune. Rien d'étonnant donc à ce qu'il nous la jette à la figure régulièrement, et qu'il accable ses coéquipiers (et d'autres personnes, apparemment), de cadeaux divers et variés.
A propos de la somme qu'il évoque, nul ne sait s'il s'agit d'une contribution directe au financement des dépenses inhérentes à la campagne de qualifications ou s'il fait le compte de l'ensemble de ses dépenses en cadeaux à l'intention de ses coéquipiers. Disons clairement les choses : dans les deux cas, il aurait dû s'abstenir. Mais on peut sérieusement se demander s'il en est capable et sinon, s'il existe dans son entourage des personnes qui pourraient le conseiller dans le bon sens. On peut douter des deux possibilités.
Il y a pourtant urgence à ce que quelqu'un lui dise par exemple qu'il est normal que des chefs d'Etat demandent à le rencontrer, qu'on est au courant, et que c'est très maladroit de sa part d'en faire état en public. Question de classe.
Il existe une autre piste : les dirigeants de notre football que sont le ministre des Sports et le président de la FECAFOOT disposent de l'autorité nécessaire pour dessiner le cadre strict dans lequel Samuel Eto'o doit se cantonner, en tant que joueur et capitaine de l'équipe nationale. Aucun de ces deux statuts n'est élastique, et c'est le rôle des dirigeants de protéger le joueur lui-même et ses coéquipiers des excès de générosité de l'un envers les autres. En clair, si un simple joueur de football en arrive à se proclamer détenteur d'un tel pouvoir, c'est aussi parce que ceux qui devraient remettre les choses à leur juste mesure sont incapables de le faire.
De toute façon, Iya Mohamed nous doit déjà tellement d'explications par ailleurs qu'on se demande par quel miracle il est encore en poste. Plusieurs faits graves sont récents ou en cours, et chacun d'entre eux est suffisamment scandaleux pour provoquer la démission du président de la FECAFOOT : la pénurie des maillots, le secret intolérable qui entoure l'avenant du contrat avec Puma, le récent fiasco de la Coupe du Monde, et même la descente aux abîmes du football national depuis des décennies.
Je demandais récemment où sont passés les sages. La question est plus que jamais d'actualité car, face au comportement de Samuel Eto'o, la personne qui devrait le sanctionner est Iya Mohamed, et la personne la plus qualifiée pour lui apporter des conseils n'est autre que... Roger Milla.
Vous voyez qu'on n'est pas sortis de l'auberge.