Ceux qui connaissent ce blog savent quel lien particulier m’unit à Julien Gracq dont je suis un fidèle lecteur. J’ai relu « Un Balcon en forêt » au début de l’été. Comme son titre semble l’indiquer, ce roman offre une large bouffée d’oxygène et d’humus… Et pourtant, les personnages sont plongés au cœur de la seconde guerre mondiale au moment de l’invasion allemande.
Le personnage principal, l’aspirant Grange, vit sa mission au cœur de la forêt à proximité de la Meuse comme une aventure initiatique et une plongée dans le mystère. La forêt au cœur de laquelle on lui a confié la garde d’un fortin, est le centre d’une toile magique dont l’écrivain artisan des mots et de la syntaxe tisse les fils. La réalité de la guerre semble oublier ces confins forestiers dont l’événement majeur est la rencontre avec une « fadette », la petite Mona, qui vit avec Grange une aventure à caractère à la fois évanescent et érotique. A la fin du roman, elle disparaît comme elle est venue, au moment où les soldats allemands rejoignent le fortin.
A la vérité, l’action ne démarre qu’au dénouement… Mais l’essentiel est aux yeux du lecteur ce travail minutieux qu’a entrepris l’écrivain : l’écriture élégante et imagée l’amène en effet à entrer au contact d’un monde magique que la tragédie de la guerre pourrait écarter…. C’est peut-être cela qui a valu à Julien Gracq, l’inclassable, l’étiquette d’écrivain surréaliste. Que l’on relise par exemple ces deux phrases :
« On ferme les yeux quelques secondes : les armées modernes tintinnabulent encore de toutes les armures de la guerre de Cent ans ».
« C’était une peur un peu merveilleuse, presque attirante, qui remontait à Grange du fond de l’enfance et des contes : la peur des enfants perdus dans la forêt crépusculaire, écoutant craquer au loin le tronc des chênes sous le talon formidable des bottes de sept lieues ».