Hier, à 22h 35, sur la chaîne ARTE, LES GRAINES DE LA COLERE – 1ère partie, téléfilm britannique.

Par Ananda

Voici un téléfilm qui nous plonge dans le monde des immigrés anglais d’origine pakistanaise (donc de confession musulmane) de la deuxième génération, et dans la question, souvent évoquée depuis 2005, de leur éventuel lien avec le terrorisme.

Sobre, efficace, excellemment interprété, il pointe du doigt, avec une franchise parfois brutale mais hautement nécessaire, la relation directe entre l’échec de l’ « intégration à l’anglaise » et la radicalisation de ces jeunes, en proie à une recherche d’identité plus que problématique.

Le racisme, tant « ordinaire », quotidien que policier, toujours prégnant et vécu comme un véritable harcèlement, vient ici s’ajouter à la déception, à l’exclusion professionnelle des surdiplômés, des instruits (au départ des jeunes gens très «sages ») et à la rancœur qui en découle, pour générer un « ras le bol ».

A l’intérieur même des familles, c’est la division : les fractures naissent.

Comment choisir entre une « modernité » qui, bien que très tentante, reste par trop synonyme d’européanisation, donc d’exclusion ou bien de porte à faux, et une société traditionnelle douloureusement pesante, rigoriste, figée, fermée quelquefois jusqu’à la barbarie ?

En d’autres termes, comment trouver sa place en dehors d’une double haine (haine de soi en tant que « paki » non conforme, ne serait-ce que physiquement, à l’idéal de la société d’accueil ; haine de l’autre, de l’Occident, de surcroît, ne l’oublions pas, en guerre mondiale contre l’islam), comment gérer une double identité aussi conflictuelle, aussi « explosive » (c’est le cas de le dire dans la situation qui nous occupe) ?

Cette histoire, c’est l’histoire d’un malaise, générateur de tous les excès.

Le mérite du film, c’est de souligner les torts et les failles, dans un sens comme dans l’autre.

Entre le « pakistanais » qui, au nom de sa fidélité sans faille, nourrie de reconnaissance,  à l’Angleterre (et, sans doute aussi, du mépris plus ou moins larvé que, dans son souci de s’intégrer il a développé contre lui-même) et ses frères, ses camarades d’école atteints par le syndrome de la rupture qui cèdent aux dangereuses chimères d’Al Qaïda, au fond, on ne fait que basculer entre deux extrêmes.

Tout ceci ne ramène-t-il pas aux propos de Franz Fanon sur la désaliénation ?

Un téléfilm de qualité, que j’ai regardé avec un intérêt indéniable.

Parce qu’il traduit toute la complexité de ce genre de problème.

P.Laranco