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Ce matin, je faisais ce qu'il y a à faire dans une salle d'attente, j'attendais. Je saluais tous les aysien qui entraient, comme j'avais été salué par tous ceux qui y étaient au moment où j'y suis entré. En Ayiti, les salutations sont essentielles. Une politesse élémentaire, une obligation culturelle qui peut s'étirer mais surtout, un formidable outil de prise de contact. Il faut saluer cet ayisien qui partout te fixe du regard pour lui faire apparaître un sourire sur le visage. 'Il m'a salué celui-là !'. Ne pas saluer les inconnus, ce qui est très propre à notre culture, est ici une marque de snobisme. Blanc et snob en même temps, ça fait un peu trop. Dans la salle d'attente où j'attendais donc, tout le monde regardait à la télé américaine la lecture des noms des personnes décédées dans l'écrasement des tours jumelles. Quand je suis arrivé, ils en étaient à la lettre S et 45 minutes plus tard quand je quittais les lieux, on égrainait les W. On n'a nommé comme ça en direct 2752 personnes qui sont décédées il y a 9 ans (sur un peu plus de 3000 morts si ce qui circule sur le Net est juste). J'essayais donc de comprendre quelles dimensions 'individuelles' d'un tel événement pouvaient convaincre les autorités (et les chaînes de télé !) à identifier chacune des victimes de cette manière dans une cérémonie. J'avoue que je n'y suis pas encore arrivé. Oui pour l'importance de se rappeler des victimes, mais 2500 fois, ça pose minimalement des questions d'efficience. je sais, ma grille d'analyse est sûrement trop sociale ou politique. En regardant ceux qui comme moi attendaient, j'espérais que personne ne soit membre du comité national d'organisation des commémorations du 12 janvier. Pis ces ayisien pour qui les salutations 'personnalisées' sont si importantes... 250 000 fois !! On sait jamais, ça peut donner des idées ces petites télés là !