Après Saw et Dead silence, le réalisateur James Wan revenait en 2007 derrière la caméra avec un film qui constitue pour moi un véritable coup de poing, mieux, un sommet de tension palpable et une oeuvre portant un regard d'une terrifiante lucidité sur la société et les êtres qui la composent. Dire que le film m'a mis dans un état de stress continu 90 minutes durant serait un doux euphémisme pour décrire ce que j'ai pu ressentir à la vision de ce vigilante movie véritablement secouant.
Death sentence décrit la lente descente eux enfers d'un homme dont le fils a été assassiné sous ses yeux dans une station service. Le père décidera d'appliquer la loi du talion pour que justice soit rendue, premier pas vers une désagrégation de sa personnalité, de ses convictions, de sa vie.
Ceux qui ont vu dans ce film l'apologie de l'autodéfense n'ont vraisemblablement rien compris au propos de James Wan. En effet, le chemin de croix du personnage incarné par l'exceptionnel Kevin Bacon (son meilleur rôle, les doigts dans le nez), prône à l'inverse le caractère vain et suicidaire du principe de la justice personnelle, aussi humain et légitime soit-il. Car en décidant de supprimer les responsables de la mort de son fils, le justicier va finalement devenir lui-même ce qu'il pourchasse, ce qui revient in fine à se pourchasser lui-même.
Par ailleurs, la transformation physique et mentale du personnage incarné par Bacon fait littéralement froid dans le dos, l'acteur parvenant à atteindre un niveau de crédibilité proprement remarquable, la deliquescence de l'âme de son personnage se lisant petit à petit sur son visage, jusqu'à une ultime transformation physique, à l'instar du Travis Bickle de Taxi Driver.
Le film de James Wan rappelle bien entendu la série des Death Wish avec Charles Bronson. En effet, le réalisateur livre un vigilante movie qui s'assume pleinement, sans aucun jugement moral de son personnage principal, mais au contraire avec un regard ontologique voire clinique, l'irrémédiable désintégration du héros n'étant que la résultante de ses choix. Par ailleurs, les scènes d'action, extrêmement réussies, ne reculent devant aucune sauvagerie, et Wan nous offre l'une des scènes de poursuite les plus jouissives que l'on ait pu voir depuis longtemps, s'achevant en un magistral plan-séquence à l'intérieur d'un parking.
D'autre part, le réalisateur décrit à travers son histoire l'état de la société dans laquelle nous vivons, en même temps que la violence intrinsèque aux individus qui la composent. Civilisation sclérosée par la violence et la perte de repères, le monde de Death sentence (et donc le nôtre) se désagrège lentement, contaminant au passage ses protagonistes dans un tourbillon fatal contre lequel l'être humain ne saurait lutter. Terriblement pertinent, ce propos fait littéralement froid dans le dos.
Film m'ayant collé à mon fauteuil du début à la fin (malgré des séquences d'exposition mises en scène d'une manière totalement aseptisée), Death sentence secoue, interroge, fait monter l'adrénaline et vous laisse groggy dans un final d'une noirceur absolue qui ne laisse aucune chance à l'optimisme.