D'un film vu étant encore gamine, j'avais gardé le souvenir confus, quoique très fort, d'un ciel étoilé, de petites lueurs bleues qu'un seul homme était capable de voir, d'un type lambda devenu un génie, et d'une mère célibataire avec ses deux enfants. Avec le temps, ces images-là se sont sans doute confondues avec d'autres, sans rapport, pour m'en fournir une reminescence différente, dont certains détails, cependant, me revenaient régulièrement. Un revisionnage s'imposait donc, après tant d'années, et l'occasion m'en a été donnée tout récemment.
Phénomène (sans aucun rapport avec le Phénomènes de Shyamalan) commence par dépeindre le quotidien d'une poignée d'âmes dans un tranquille patelin paumé des Etats-Unis, et plus précisément celui de Georges, brave type, garagiste de son état, connu de tout le village, familier du coin, amoueurx en secret d'une nouvelle venue artiste à ses heures, le genre de gars ordinaire qui vit sa vie au jour le jour, qui ne présente rien d'exceptionnel. Pourtant, le soir de son 37ème anniversaire, tout bascule. Alors qu'il regarde le ciel, pensif, une vive lueur attire son regard, se rapproche de lui telle un météore, et le laisse sans connaissance durant quelques instants. Lorsqu'il revient à lui, Georges ne tarde pas à prendre conscience que rien, désormais, ne sera plus comme avant pour lui... à commencer par le regard de son entourage.
Sur le principe du personnage lambda à qui il arrive un phénomène qui le dépasse, le film joue sur plusieurs tableaux scénaristiques, méthode qui fonctionne tout autant qu'elle le handicape. A partir de ce postulat de base, Phénomène analyse "l'évènement" de diverses manières, prenant en compte à la fois le ressenti personnel du héros pour qui tout bascule et prend des proportions incroyables, le point de vue social, pesant, qui accompagne nécéssairement une telle métamorphose psychique, un aspect plus intimiste, qui touche à la romance balbutiante entre le héros et l'élue de son coeur, le paramètre scientifique, qui nous fait nous interroger sur le pourquoi du comment, et enfin le drame, ressort indispensable à la chute de l'histoire notamment. Bref, une pluralité d'ingrédients pas évidents à lier, qui pourtant, pendant la première partie de son déroulement, confèrent à l'intrigue un charme tout particulier, qui tient autant de son contenu même que du cadre de son récit, qui plante son décor loin des grandes villes, avec ce côté désuet propre aux films du genre des années 90.
Si l'on pourrait aisément croire, aux vues des multiples directions prises par le film, que celui-ci ne sait pas où il va, il n'en est rien. Phénomène se revendique dés le départ comme un drame typique, marriant comique, romantique, satire rurale et métaphysique, mais ne lorgnant jamais du côté thriller ou S.F. S'il explore plusieurs aspects émotionnels et scénaristiques, il ne s'éparpille pas cependant, tient bon son fil demeurant plutot obscur jusqu'à la révélation de la clé du mystère qui, elle, peut laisser un goût amer.
Profondément humaine et sensible, cette fable contemporaine bien ficelée et très bien interprétée accuse tout de même quelques ratés: quelques baisses de rythme, ça et là, une chronologie parfois discutable, les ellipses pas toujours heureuses occultant un développement qui aurait gagné en subtilité. Quelques péripéties dispensables, dont on ne voit guère la pertinence, comme cette incursion du FBI, justifiée sur le papier mais maladroite à l'écran. De même, la dernière demi-heure, libérée du poids du mystère, se trouve alourdie d'un pathos un peu trop appuyé, une tendance à l'acharnement émotionnel un rien trop prononcée, et une explication scientifique discutable, dans le sens où elle n'explique pas tout, dans un contexte final pourtant fermement cartésien.
Je ne suis pas déçue le moins du monde d'avoir renoué avec ce film dont je me souvenais de loin en loin, dont le charme n'a pas pris une ride (superbe rôle de John Travolta, au passage), dont l'humour discret (mention spéciale à Forest Whitaker), la délicatesse du propos et l'originalité de l'histoire font, somme toute, oublier les quelques fioritures de Turteltaub duquel, du reste, je ne m'attendais pas à aussi bien. A mes yeux, un petit bijou, sans prétention, juste, agréable et, en ce qui me concerne, mémorable.
Mais la mémoire et ses mystères, vous savez...
*Indice de satisfaction:
*2h03 - américain - by Jon Turteltaub - 1996
*Genre: Un homme d'exception...
*Les + : Une histoire sans prétention, qui coule, tranqulle, comme une rivière au coeur de la vallée... et dont le charme opère sans forcer.
*Les - : Quelques fautes de rythmes, de transitions, et des bémols scénaristiques sans incidence profonde.
*Lien: Fiche Film Allociné
*Crédits photo: Gaumont Buena Vista International