Comment faire pour que l'Europe centrale et orientale accélère sa laborieuse convalescence ? Telle est la question qui s'est posée aux 2 500 participants du XXe Forum économique de Krynica, surnommé "le Davos de l'Est", clos vendredi 10 septembre.
Car les anciens membres de l'ex-empire soviétique - Bulgarie, Croatie, Estonie, Russie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine - se portent mal, à quelques exceptions près comme la Pologne : ce dernier est en effet le seul pays de l'Union européenne à n'avoir pas connu la récession en 2009 (+ 1,7 %). Souvent qualifiés de "dragons" en raison des taux de croissance mirifiques atteints lors des années fastes (2003-2008), ils ont été plus durement touchés par la crise que les autres régions du monde
. Dans un rapport présenté à l'ouverture des travaux, Witold Orlowski, chef économiste de PricewaterhouseCoopers Pologne, a rappelé que la région comptait "sept des dix pays les plus affectés par la récession" dans le monde en 2009, la "palme" de la dépression revenant à la Lettonie (- 18 %), suivie de l'Ukraine (- 15,1 %), de la Lituanie (- 15 %) et de l'Estonie (- 14,1 %). La contraction de la demande et des investissements d'origine étrangère qui s'est produite à partir de la fin 2008 a étouffé leur activité.
Le différentiel de croissance a atteint jusqu'à 30 points dans les pays baltes, mais aussi 4 ou 5 points dans les pays moins touchés comme la Pologne et la République tchèque. En raison du surendettement en devises étrangères des entreprises et des ménages de ces pays, M. Orlowski estime qu'ils "doivent se préparer à une longue période de croissance réduite, qui pourrait s'accompagner de fluctuations importantes sur les marchés financiers". Il prévoyait que leurs économies accéléreraient de 1 %-1,5 % en 2010 à 3 %-4 % en 2011, mais il redoute qu'une deuxième vague de la crise financière oblige à réviser ces prévisions à la baisse. "Le monde a, en moyenne, retrouvé sa richesse d'avant la crise, a commenté Jérôme Cazes, administrateur directeur général de la Coface française, mais l'Europe orientale mettra, elle, trente mois pour revenir à son niveau antérieur.
Les chefs d'entreprise, ici comme ailleurs, ont le pied sur le frein et gardent leurs liquidités, car ils ne croient pas à la reprise. Comme après chaque crise, on redoute le retour de la récession... qui ne se produira pas. En attendant, le chômage atteint toujours des sommets et les chiffres confirment un réel appauvrissement." L'ancien commissaire européen Mario Monti, tout comme Luc Frieden, ministre des finances luxembourgeois, ont dit que le salut était dans les réformes et dans une "meilleure intégration économique".
Ce qui suppose "une surveillance, une régulation et un marché communs", a rappelé M. Orlowski. Pour autant, il ne semble pas qu'une recette s'impose pour tirer l'Europe orientale de l'ornière. Quand Arseniy Yatsenyuk, leader du parti ukrainien "le Front pour le changement", a prôné un fort soutien budgétaire à l'économie, presque tous les intervenants ont demandé une réduction des dettes et des déficits. Christian Wiest, vice-président de Schneider Electric, et Bernard Wientjes, président de la fédération patronale néerlandaise VNO-NCW, sont tombés d'accord pour dire la nécessité pour chaque pays de se spécialiser, par exemple dans l'agroalimentaire pour la Pologne ou dans l'automobile pour la Slovaquie. L'opinion majoritaire - et comment pourrait-il en être autrement dans un forum créé il y a vingt ans pour accélérer la confluence des deux Europe ? - a été résumée par Juan Delgado, chef économiste de la Commission espagnole pour la compétition, qui a conclu : "C'est plus d'Europe qu'il nous faut." Une pétition pas vraiment populaire par les temps qui courent.
source: lemonde.fr