La "série favorite", c'est celle qui a su bénéficier à la fois de qualités scénaristiques objectives et du ressenti subjectif propre à chaque téléphage. C'est celle qui nous a bluffés, fascinés, émus et faits rire aux larmes. Mais c'est aussi celle qui s'est arrogée une place à part, qui nous a marqués d'une façon très personnelle, sans qu'il soit réellement possible de traduire cela en mots. Elle est aussi le fruit d'une conjoncture, ayant eu le mérite d'arriver à une période charnière de notre téléphagie : il y aura forcément des accents générationnels en elle. Si vous me lisez un peu, vous savez que je suis la reine des flirts télévisés sans lendemain, des coups de foudre qui rythment une passion tournée vers les découvertes et les nouveautés. La téléphagie est une "nouvelle frontière permanente". Mais m'interroger sur ma "série favorite" réveille un autre versant, plus ancien et peut-être moins sollicité désormais. Celui, solide, de la fidélité. "My favorite show ever" est devenu un fait établi, une donnée claire et constante de mon paysage téléphagique. Ce n'est pas un simple mélange de qualité et de ressenti, c'est la série qui a apporté le ciment à une passion alors en pleine croissance.
The West Wing (A la Maison Blanche)
(1999-2006, NBC)
Parce que The West Wing a su dépeindre avec brio une réalité politique empreinte d'idéalisme, créant un cadre aussi enrichissant que fascinant pour le téléspectateur.
Parce qu'elle a initié avec tact, subtilité et souvent beaucoup d'adresse, des réflexions abouties et osées sur les grandes thématiques sociales qui transcendent nos sociétés occidentales, ne reculant devant aucun sujet aussi sensible soit-il.
Parce qu'elle s'est montrée pédagogique, sans jamais être rébarbative, ni infantilisante, choisissant en conscience de faire confiance et de s'adresser à l'intelligence de ses téléspectateurs.
Parce que c'est rafraîchissant d'éteindre la télévision, encore porté par le dynamisme impulsé par 40 minutes bouillonnantes de brain-storming, en ayant l'impression de se sentir moins bête.
Parce qu'elle a réussi à percer et à vous faire comprendre certains des mystères socratiques et insondables de la démocratie, ou des Etats-Unis, comme aucune autre série. Même si cela ne vous intéressait pas a priori.
Parce que ses dialogues, ciselés à la perfection et vivants à l'excès, proposèrent des échanges jubilatoires qui résonnent encore dans les têtes, sur des thèmes sérieux aussi bien que sur des sujets frivoles.
Parce qu'elle avait cette capacité d'alterner les tons, pouvant faire réfléchir longuement un jour, et rire aux éclats le lendemain.
Parce qu'elle bénéficiait d'une galerie de personnages attrayants, aux caractères affirmés, à la fois différents et complémentaires, et auxquels il était tellement facile de s'attacher.
Parce que, au moins une fois devant les urnes, on s'est dit : "I would have voted for Jed Bartlet".
Parce que Aaron Sorkin.
Parce que son casting était d'une homogénéité et d'une solidité enthousiasmantes, ayant trouvé le parfait équilibre à l'écran.
Parce que elle aura su drastiquement augmenter votre capacité de conversation dans les cocktails (où vous brillez désormais en évoquant les Etats fédérés de Micronésie).
Parce que les réunions pédestres virevoltant dans les couloirs, c'est classe.
Parce qu'il est nécessaire... que dis-je, vital !.. de parfois se rappeler ce que c'est d'y croire vraiment, aussi désillusionné sur la politique politicienne que l'on puisse être.
Le générique :
The good old times... The Big Block of Cheese Day :