Dans une entrevue accordée à un magazine américain, le leader de la Révolution cubaine, Fidel Castro a reconnu que le modèle cubain en l’état n’était pas exportable. Une déclaration qui a eu l’effet d’une bombe dans certains milieux politiques en Haïti comme en Amérique latine. En dehors de l’exploitation idéologique de tels propos par des adversaires de l’expérience cubaine, il demeure que cet entretien à cœur ouvert est un modèle d’autocritique qui fera date.
Le fait par le leader maximo de reconnaitre les failles de l’expérience cubaine remettent au goût du jour certaines réflexions du Che et d’autres « camarades » de cette révolution qui avaient exprimé des doutes quant à certaines orientations d’une expérience révolutionnaire âprement combattu par les américains et fragilisé par les « chevaliers de l’éteignoir » d’un continent traversé par les soubresauts de la guerre froide.
Ce qui fait que l’expérience castriste a été dans une lutte permanente pour la survie qui explique en grande partie ses dérives totalitaires. On peut se poser la question, ce que serait cette révolution hors contexte de la guerre froide. Ses victoires dans les domaines de la santé et surtout de l’éducation en seraient peut-être moins ternies…par les manifestations sanglantes de la résistance à l’impérialisme et à la contre-révolution.
Que serait Cuba si cette autocritique avait été faite plus tôt ? Mais avec des si, on referait la révolution. Et comme l’Histoire ne repasse pas les plats. Force est de s’en tenir au fait et de réévaluer le parcours d’un projet dont la générosité des débuts et même certains succès incontestables ont été noyés dans les fanges sanglantes de la guerre froide.
Si Cuba a été pendant longtemps un symbole de la lutte des peuples, c’est à cause des inégalités criantes qui ont plombé la vie de millions de gens du sous-continent. C’est donc incontestable, la révolution cubaine n’est pas partie comme on veut le faire croire que des fantasmes dictatoriaux des frères Castro, mais d’un besoin légitime d’émancipation du peuple cubain. Les égarements et les troublantes dérives du parcours « révolutionnaire » méritent d’être analysés en dehors de tout aveuglement idéologique.
Depuis la commune de Paris, les échecs des insurrections populaires ne justifient nullement la persistance des violences de classe. Ce qu’il faut condamner, c’est la manipulation des besoins légitimes de changement qui gèle le « printemps » des peuples et le transforme en des lendemains qui déchantent.
La polarisation du monde a empêché pendant longtemps la compréhension les drames humains qui se jouaient derrière les fresques épiques d’une révolution qui a inspiré tout un continent. Il y avait les réalités plates d’un pouvoir politique à conserver, la mise à l’écart brutal d’anciens « compagnons’ » devenus « traitres » à la révolution.
Il fallait faire aussi face aux très nombreuses tentatives d’assassinats contre Fidel Castro lui-même. On peut dire que la plus grande victoire de ceux qui ont combattu cette révolution, c’est de l’avoir transformé en forteresse assiégée. Et les « romantiques » barbus de la Sierra Maestra en de redoutables hommes d’appareil qui laissèrent s’assécher la sève révolutionnaire.
Et depuis ce fut un combat à mort ou tous les coups étaient permis. Et la révolution qui avait fait de l’éducation une des plus grandes conquêtes du peuple cubain n’a jamais permis l’épanouissement de « mille fleurs ». La fleur socialiste est restée chétive et terne.
Il arrive que dans l’Histoire, ceux qui ont été en première loge reviennent sur les lourdes décisions du passé. Un Robert Mc Namara est revenu dans son testament politique sur certaines décisions prises lors de la guerre froide, comme par exemple l’utilisation de l’agent orange contre le vietcong et la population civile de l’autre coté du 17e parallèle.
Aujourd’hui, Fidel fait une surprenante déclaration qui énerve ses détracteurs. Parcequ’is ne croyaient pas le leader maximo capable d’une telle remise en question qui leur enlève le monopole de la critique. Le vieux caudillo de gauche semble se remettre en selle et avec une élégance toute chevaleresque qui ne gomme certainement pas ses erreurs historiques, mais qui dit long sur sa longévité politique.
La différence entre Fidel et les pro ou anticastristes, c’est qu’ils sont face au leader maximo qui lui est face à l’Histoire. L’acquittera-t-elle?
Roody Edmé