Au début de l’été, j’entendais Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l’Assemblée Nationale, constater que « La France emprunte 1 milliard d’euros par jour ouvrable ! ».
Compte tenu de l’actualité, j’en ai conclue que la France dévorait toutes les 3 semaines la totalité de la fortune de Madame Betancourt, qui défraye tant la chronique.
Pour faire bon poids, Jean Louis Borloo, Ministre d’Etat, nous indiquait que « le déficit de la France ce n’est pas 8% du PIB, ce qui est trop abstrait, mais c’est 40% ! » : les recettes globales (Etat+ collectivités territoriales+ systèmes sociaux) ne couvrent les dépenses globales qu’à hauteur de 60% !
Pensez vous que cela puisse durer encore longtemps ? A l’évidence, non !
Cette situation met la France et les français dans les mains de nos préteurs et créanciers, banquiers et institutions financières internationaux de tout poil et de tout crin. Qu’on le veuille ou pas, nous nous sommes mis, par laxiste récurrent depuis 1981, dans les filets des marchés financiers internationaux et de leurs agences de notation : que celles-ci abaissent la note attribuée à la dette française, ne fut-ce qu’un peu, exprimant un doute sur notre volonté de réduire nos déficitsou sur nos capacités de remboursement, alors on ne nous prêtera qu’avec des taux d’intérêt plus élevés, et ce sont des milliards d’euros supplémentaires à payer, fruits de cette dégradation de la confiance internationale envers la signature de la France.
Arrive le jour où on n’a plus d’alternative, où on ne peut plus reculer, où il n’y a plus d’échappatoire : il faut stopper l’hémorragie des déficits et consacrer une forte proportion de nos moyens à rembourser nos dettes pour desserrer l’étreinte des marchés.
Ce jour est venu !
Déjà, le Premier Ministre avait constaté être à la tête d’un Etat en faillite : ce jour là, François Fillon parlait vrai. Et la crise, en anéantissant la stratégie de 2007 (alléger les charges et les prélèvements pour regagner de la compétitivité et booster la croissance et l’emploi) est venue accélérer l’échéance.
Alors, bien sur, il faut, vite et fort, alléger nos coûts de gestion collective, pour retrouver de l’efficacité, par la réforme de l’Etat et des collectivités locales, en passant outre la puissance des lobbys et groupes de pression, fut-ils ceux des élus locaux et des sénateurs : nous n’avons plus d’autre choix.
A cet égard, la réforme des retraites doit être aussi simple et claire que possible, sinon on reconstituerait des « régimes spéciaux » en additionnant les cas particuliers, pour des raisons multiples et diverses : attention aux effets pervers, aux effets d’aubaine et aux effets de seuils.
Les réformes des cartes militaires, judiciaires, hospitalières…sont d’autant plus douloureuses qu’elles doivent être menées vite, fort et en même temps, mais elles sont d’autant plus nécessaires que nous n’avons plus les moyens de faire autrement.
Les budgets publics doivent être passés à l’étrille, pour s’assurer que chaque écu prélevé sera parfaitement dépensé dans le sens de plus d’efficacité, d’équité et d’économie : nombre de « Grands Projets » doivent être revus et différés, sauf s’ils répondent à quelques critères simples, comme :
- Dépenses d’entretien et de rénovation du patrimoine existant, pour tirer le meilleur parti du capital collectif déjà constitué : on songe à l’état de nos prisons, de nos universités ou du réseau ferré classique.
- Dépenses pour construire l’économie et les emplois de demain : c’est la stratégie du « Grand Emprunt », vers l’économie numérique et l’économie verte, les biotechnologies, la recherche développement industrielle…
- Dépenses pour la sécurité, au sens le plus large, comme l’aménagement des points noirs routiers, pour réduire le nombre des morts sur les routes,
- Dépenses pour l’environnement telles celles qui permettent des économies d’énergie dans les bâtiments d’habitation et de travail, tant publics que privés.
Ces quelques domaines ont en commun de produire un vrai retour sur investissement, et de soutenir l’activité de pans entiers de l’activité économique.
Mais il faut savoir renoncer à des projets donc le coût est prohibitif et les retombées aléatoires, comme la ville de Strasbourg vient de le faire pour son « Grand Stade » faute d’avoir une équipe de foot et un projet susceptible de le rentabiliser.
Quand on voit l’état des finances de la Ville de Lille et de la Communauté Urbaine, on comprend bien que ce n’est pas le moment de se lancer dans la remise en eau du canal avenue du Peuple Belge : dans 10 ans, quand seront assainis les emprunts toxiques et digéré Le Grand Stade, on pourra peut être en revenir à la création d’un port de plaisance en centre ville, à l’image du bassin de La Villette, à Paris (encore qu’on n’y ait jamais comblé le souterrain de La Bastille ni le canal de l’Ourcq !).
Dans nos communes, ou plutôt dans nos intercommunalités puisque tel est le sens de la réforme territoriale, il n’est plus temps de multiplier les médiathèques et autres équipements collectifs à inaugurer le moment venu, mais dont les frais de fonctionnement pèsent années après années sur les budgets publics. Tout au contraire, il faut mettre en commun ce qui existe pour en tirer le meilleur parti, en attendant le retour à meilleure fortune collective.
Et jusque dans nos budgets familiaux, nous allons devoir peigner une à une nos dépenses, pour faire la chasse aux doublons comme au superflu : calculez, par exemple votre budget familial « téléphonie et internet » et demandez vous si le moment n’est pas venu de revoir tous ces abonnements au forfait, qui sont souvent redondants et excessifs. Les économies que nous ferrons sur ces postes de contrats récurrents nous permettront de faire face, de façon moins douloureuse, aux immanquables augmentations de prélèvements divers nécessaires aux remboursements de nos dettes collectives.
Tout cela n’est peut être pas très réjouissant, mais c’est la réalité : il faut la regarder en face, il faut le dire à nos concitoyens, il faut se retrousser les manches, et passer tous ensemble cette période plus rigoureuse et plus austère.
Conduisons-nous en athlète à Barcelone ou en nageur à Budapest plutôt qu’en footballeur en Afrique du Sud !
Francis Babé. 23 août 2010.