Théâtre de Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Grands Boulevards / Cadet
Spectacle de Sophia Aram et Benoît Cambillard
Musique de Raphaël Elig
Lumières de Julien Barillet
Ma note : 8/10
Le propos : Sophia Aram aborde le thème universel de la Foi en analysant les étrangetés et les incongruités qui pullulent dans les trois grandes religions monothéistes, le catholicisme, l’islam et le judaïsme.
Mon avis : Voici un spectacle dont, à l’instar de certains films, il ne faut surtout pas manquer le début. En effet, l’entrée en scène de Sophia Aram synthétise en quelque sorte le propos qu’elle va tenir pendant durant une heure et demie. Je vous en laisse donc la surprise tout en estimant que ce générique de début est une trouvaille aussi réjouissante qu’efficace.
A la suite de quoi, après une onctueuse annonce papale sur l’extinction du sacro-saint portable, Sophia, revêtue d’une fort seyante robe gris perle à dégoulinures argentées, entre dans le vif du sujet. Et elle va direct aux pieux. D’abord, elle affiche ses convictions : elle est athée. Puis, elle remonte à la Création du monde pour en décortiquer malicieusement toutes les invraisemblances. Et Dieu sait s’il y en a !
Après cet exposé paradisiaque, la jeune femme revient à sa propre existence. D’ailleurs elle va sans cesse passer du plus universel au particulier, c’est-à-dire elle-même. Elle ne cache rien de sa situation : elle est d’origine maghrébine, son mari est protestant, ils sont tous deux athées. Mais en dépit de cette conviction affirmée, elle admet qu’il reste toujours une part de doute. Se poser des questions sur l’existence de Dieu, ça sert d’os… à ronger. Et puis ça permet d’en parler et d’en faire un spectacle.
Un spectacle plutôt gonflé, même. Ironiser sur les religions en ces temps où l’intégrisme et l’obscurantisme enfourchent de nouveau les chevaux de l’Apocalypse, il faut faire preuve d’un certain courage et de beaucoup de finesse. Si on est dévot, on va la trouver un peu vache. Si, comme elle, on n’est pas croyant, elle ne prêche pas dans le désert. C’est que toute son argumentation tient remarquablement la route. Crise de foi est un spectacle fin, intelligent et irrésistiblement drôle. Sophia Aram évolue dans un registre thématique dans lequel aucune de ses consoeurs comiques ne s’aventure. Comme dans son précédent spectacle, Du plomb dans la tête, où elle réussissait à faire rire avec un sujet dramatique, le suicide d’une enseignante, elle réitère cette foi avec le thème ultrasensible de la religion.
Son show est très bien construit et surtout, il est très complet. On n’ira peut-être pas jusqu’à qualifier Sophia de « bête de Cène », mais très à l’aise avec son corps, elle bouge remarquablement, se livrant ici et là à quelques chorégraphies souples et rythmées. Elle a toujours le geste et la mimique qui tombent justes. Elle excelle dans les accents, passant entre autres avec brio de la petite fille, à la canadienne (clin d’œil au spectacle précédent), ou à l’arabe ; une maghrébine qui va par ailleurs lui servir de fil rouge puisque son personnage, de peur de se tromper de Dieu, va adopter les rites et les obligations de chacune des trois religions, ce qui va lui rendre la vie impossible.
Crise de foi, est un spectacle où l’on rit rarement aux éclats. Ce n’est pas l’effet recherché. Mais on y est en permanence en train de sourire tant les exemples sont édifiants. Tout ce que Sophia Aram est inscrit dans la livres sacrés, quand ce n’est pas gravé dans le marbre des tables de la Loi. Si bien que, si l’on est un tant soit peu cartésien, il est impensable de croire en de nombreuses affirmations pourtant dogmatiques. Elle prend bien soin en outre de ne pas (dé)favoriser l’une ou l’autre des trois religions monothéistes. Le match est vraiment nul. On en a pour preuve l’avant-dernier sketch où une commentatrice québécoise relate les difficultés de cohabitation que rencontrent un catholique, un islamiste et un juif dans un vaisseau spatial… Et puis Sophia s’amuse à émailler ses propos de petites digressions coquines, un peu osées, parfois carrément crues, histoire de se gagner la complicité d’une gent féminine qui, comme elle, aurait tout légitimement le buisson ardent.
Hâtez-vous de vous rendre au théâtre de Trévise, je vous en prie. Vous y passerez un sacré bon moment.