A propos de Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) d’Apichatpong Weerasethakul 3 out of 5 stars
Un homme, proche de mourir, se souvient de ses vies antérieures, de son fils défunt, de sa femme disparue qui lui réapparaît en fantôme, etc… Il décide alors de traverser la jungle jusqu’à une grotte au sommet d’une colline, lieu de naissance de sa première vie. Oncle Boonmee, dans cette première vie, ne se souvient plus s’il était un animal ou un végétal, mais il est sûr d’une chose : c’est qu’il va bientôt mourir.
Le film est inspiré par A Man who can recall his past lives, un livre qu’écrivit un moine bouddhiste thaïlandais qui l’offrit un jour au réalisateur. Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) s’inspire de l’histoire d’un homme qui, arrivé au crépuscule de sa vie, s’était rendu dans un temple du Nord-Est de la Thaïlande pour parler à un moine et lui confier que lorsqu’il rentrait en médiation, il était capable de revoir ses vies passées, qu’il était à la fois chasseur d’éléphant, fantôme errant après sa mort, etc…
Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) est un film à la fois envoûtant et sensuel mais difficile à saisir. Parce qu’il convoque des contes et des croyances animistes, des mythes et des légendes thaïlandais qui échappent complètement à l’œil et la culture occidentaux. A nos codes surtout. C’est une mythologie propre au réalisateur, un panthéon de films thaïlandais « avec lesquels (il a) grandi ».
Seule certitude, c’est qu’il s’agit bien de réincarnation dans le film, d’un homme qui va mourir parce qu’il souffre d’une insuffisance rénale. Pratiquant le yoga, Boonmee réalise qu’il n’a plus que 48 heures à vivre. Il demande donc à des parents éloignés de le ramener de l’hôpital à la maison pour qu’il puisse y mourir. Mais, là-bas, ils sont accueillis par le fantôme de sa défunte épouse, qui est réapparue pour s’occuper de lui ! Son fils, mort, revient aussi de la jungle sous la forme d’un singe ! Le fils s’est accouplé avec une créature connue sous le nom de « fantôme singe » et a vécu avec elle dans les arbres pendant 15 ans.
De quoi parle au juste Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) ? C’est est un lent poème contemplatif, une rêverie silencieuse, un pont entre le les souvenirs et « l’abstraction de la mort ». Un film qui appelle à des légendes et à des contes sur la réincarnation en Thaïlande. « Il faut également considérer cette figure de l’humain hybride, engendré par un animal, et qui ne peut revenir dans un monde normal (comme) l’abstraction de la mort et une forme de simplicité et de naïveté, une approche enfantine du cinéma. » dixit le réalisateur comme pour corser l’adition et compliquer encore plus la tâche du spectateur déjà perdu. Brouiller ses pistes.
Si feu la femme de Boonmee réapparaît à ses côtés sous la forme d’un fantôme, son fils, mort, lui est devenu un gorille aux yeux rouges phosphorescents (on pense à un avatar de Chewbacca dans Star wars..)… Le merveilleux vient de l’intrusion d’un personnage magique et irréel, mi homme mi animal, dans une situation réellement dramatique.
Seul échappatoire dans ce film qui échappe à tous les sens et aux codes surtout de l’Occidental, la scène où une princesse, qui a perdu sa beauté, se laisse séduire (et déflorer !) par un poisson chat dans un lac, est un joyau du film. Un pur moment de volupté et d’enchantement. Peut-être aussi un des seuls moments où l’on pourra davantage se rattacher au film. Y trouver un sens plus universel surtout. Car entre sa mystique animiste où dans une forêt foisonnante, un buffle domestique se détache pour retrouver la liberté de la vie sauvage en s’enfuyant dans la jungle et l’atmosphère quasi fantastique, irréelle qui règne tout au long du film, il faut avouer qu’on est perdu. Largué, vous avez dit ?…