La question de la propriété intellectuelle fait débat dans le monde entier. Pour la musique, les livre, les inventions, mais aussi pour les traditions et les patrimoines spirituels. Jusqu'à quel point a-t-on le droit de se les approprier, des les manipuler ?
La plupart des spiritualités contemporaines ignorent les traditions, ou bien les colportent sans le reconnaître, ou bien les instrumentalisent à leur profit.
Ainsi, les évangélistes, islamistes et autres producteurs de consommation ignorent toute référence sérieuse aux traditions dans lesquelles ils s'enracinent pourtant.
En ce qui concerne le tantrisme, ses adeptes contemporains tantrisent en ignorant tout ou presque du tantrisme. Ou bien, ils manipulent les choses pour adapter le produit à leur clientèle. Même des gens cultivés succombent à cette tentation... Voyez le cas de Daniel Odier.
Quant aux défenseurs de la Tradition, ils se réfèrent le plus souvent à des études ou des traductions datant du siècle dernier, fondant leurs interprétations sur des connaissances de seconde main.
J'ai découvert, il y a déjà quelques mois, cette femme et son organisation. Belle présence. Mais surtout, ses paroles me touchaient, éveillaient en moi des échos profonds. Puis j'ai fait le lien avec un texte du grand sage du dzogchen, Longchenpa. Ce texte absolument extraordinaire, unique dans le domaine de la non dualité, a été traduit plusieurs fois en anglais, et une fois, partiellement, en français. Malheureusement, il n'a pas la renommée qu'il mérite.
Le livre de Candice O'Denver :
Tout cela est en anglais, mais José Leroy en a traduit un passage sur son blogue. Le premier chapitre du livre de O'Denver est consultable en traduction française sur son site.
Cette femme, donc, Candice O'Denver, qui pompe littéralement des pages et des pages d'une belle traduction américaine de ce livre de Longchenpa, ne mentionne pas une seule fois sa source, ne reconnaît jamais sa dette. Bien au contraire, Mme O'Denver ne parle que d'elle-même, de sa recherche personnelle et de son illumination "spontanée". Escamotage total. Cela m'a frappé d'autant plus que j'ai du lire la traduction américaine du livre de Longchenpa une bonne douzaine de fois. C'est un véritable chef-d'oeuvre, peut-être même LE chef-d'œuvre du genre.
Voici un aperçu de la dame dans son œuvre de plagiat, version orale. C'est d'autant plus regrettable que le résultat est remarquable de simplicité et de clarté. Longchenpa est un sage merveilleux. Les Tibétains qui se réclament de sa tradition ne parlent guère de ce texte. Une "libération" de Longchenpa est donc bienvenue. Je ne suis pas traditionaliste. Mais pourquoi O'Denver cache-t-elle sa source ?
Son organisation connaît un succès international. Comment l'expliquer ? Pourquoi tout le monde se fiche de savoir quelles sont les sources de ses beaux discours ?
Il y a, d'une part, la puissance des paroles elles-mêmes, une magie qui ravi l'esprit et qui, du même coup, l'anesthésie quelque peu. Ensuite, l'esprit critique est certes important dans une démocratie, mais est une menace dans toute société de consommation. D'ailleurs, vous remarquerez que, dans tous ces groupes non dualistes qui manipulent ou escamotent leur sources, les propos anti-intellectuels abondent, afin de neutraliser d'avance toute critique. Ou quand le "non mental" sert d'alibi à l'abrutissement...
Pour ma part, je ne suis pas sûre qu'il existe un "droit de propriété intellectuelle". C'est pourquoi les nombreuses traductions que je met gratuitement à disposition sur mon site ne sont guère protégées. Cependant, il me semble intéressant de se poser un minimum de questions quant aux sources et aux revendications des enseignants spirituels, non dualistes ou autres. En général, ils mentent plus ou moins, volontairement, par omission ou par ignorance.