De retour en abousir ...

Publié le 11 septembre 2010 par Rl1948

   Et maintenant ?, m'étais-je interrogé dans l'article de mardi dernier, faisant ainsi mien le titre d'une des très célèbres chansons du patrimoine discographique français.

   Vous vous doutez aisément, amis lecteurs, qu'aujourd'hui, pour annoncer les interventions des futurs samedis, je pourrais également reprendre la même formulation. Toutefois, pour ne point lasser par redondance inutile, j'ai préféré, d'entrée, avec un titre explicite, vous donner à comprendre ce qui me tient à coeur.

   Si Gérard de Nerval que nous avons accompagné ces dernières semaines depuis le 24 juillet dans son séjour cairote avait décidé, plutôt que choisir la Syrie comme étape suivante de son Voyage en Orient, d'emboîter le pas à cet officier prussien dont il avait un jour partagé la collation sur la plate-forme de la pyramide de Chéops, il serait peut-être arrivé - c'était à tout le moins la volonté de son commensal - à rejoindre la mission archéologique de Karl Richard Lepsius en Abousir.

     Ce Lepsius, j'aime à le souligner, auquel nous devons la division bien établie de l'Histoire pharaonique en Ancien, Moyen et Nouvel Empires ; ce Lepsius dont j'avais par ailleurs rapidement évoqué la présence, souvenez-vous, le 29 mai, en prémices à notre visite de  la tombe de Fetekti, re-découverte, à la fin du XXème siècle, par une équipe d'archéologues de l'Institut tchèque d'égyptologie (I.T.E.) sous la direction de Miroslav Verner.   

   Ils s'appelaient Oudjahorresnet, Kaaper, Qar ou Inty. Ils avaient vécu les uns à l'Ancien Empire, les autres à la Basse Epoque. Tous, ils avaient un point commun : hauts fonctionnaires ou notables de l'Egypte antique, ils bénéficièrent de la part du souverain de l'insigne privilège de compter leur tombeau sur un site préalablement réservé à certaines des pyramides royales des IVème, Vème et VIème dynasties : la nécropole d'Abousir.

   Tous aussi, comme Fetekti, nous furent révélés grâce aux fouilles menées par les égyptologues tchèques qui se sont là succédé les trois dernières décennies du siècle dernier : je ne vous ferai point aujourd'hui l'affront de supposer que ces quelques semaines de vacances que mon blog m'a et vous a partiellement octroyées auraient déjà effacé de vos mémoires les visites que, de samedi en samedi depuis le 27 mars, nous avons entreprises dans les mastabas respectifs de ces hommes de cour.

   Nonobstant, vous me permettrez de rappeler, notamment à ceux qui, parmi vous, se seraient à partir d'aujourd'hui seulement joints à nous, quelques notions historiques et géographiques concernant cette nécropole particulière.


  

   C'est à l'aube des années soixante que les archéologues tchécoslovaques ont officiellement  obtenu du gouvernement égyptien de l'époque, cet espace de fouilles en guise de remerciements pour leur participation effective au sauvetage des temples de Nubie menacés d'irrémédiable engloutissement à la suite de la construction du deuxième barrage d'Assouan.

   Cette inestimable concession de 17, 5 hectares se situe à quelque 25 kilomètres au sud du Caire actuel, sur la rive gauche du Nil, entre le plateau désertique occidental et la riche parce que fertile vallée alluviale.

   Depuis 1991, la partie la plus méridionale de ce vaste chantier de fouilles, - ce qu'il est maintenant convenu de nommer le cimetière sud -, fait l'objet d'une attention plus que minutieuse, - d'un survey comme aiment à le dire les anglophiles.

   C'est donc vers ces différents mastabas que nos pas ont convergé depuis ce printemps ; c'est vers de nouveaux dans lesquels je me propose de vous inviter qu'ils se dirigeront aussi cet automne : ensemble, chaque fin de semaine, nous ferons la connaissance d'un haut fonctionnaire de l'Administration royale ou d'un membre du  clergé ...

   Et samedi prochain déjà, un certain Iufaa qui fut à la fois, au VIème siècle avant notre ère, à l'époque saïto-perse, directeur du palais et prêtre lecteur.

   Ensuite, remontant le temps, nous rencontrerons un autre prêtre, Hetepi, dont la tombe datant de la IVème dynastie, soit il y a quelque 4600 ans, peut à bon droit être considérée comme la plus ancienne aujourd'hui mise au jour sur le site.

     Un troisième membre de l'incontournable classe sacerdotale égyptienne, Neferinpu, responsable de l'office des morts au XXIVème siècle (Ancien Empire), retiendra pareillement notre attention dans les prochaines semaines, voire même peut-être dans les prochains mois : sa chambre funéraire, -  fait suffisamment rarissime qu'il mérite d'être souligné -, n'a-t-elle pas aussi, à l'instar de celle d'Iufaa, été retrouvée intacte ?

   Bref, vous l'aurez deviné, nous avons encore bien des renseignements à apprendre des savants tchèques, bien des tombes dans lesquelles encore déambuler et nous éblouir en leur compagnie ...

   C'est ce qu'à la radio pragoise exprimait en substance voici peu le jeune archéologue et égyptologue belge Filip Coppens quand, oeuvrant à leurs côtés, il prédit que la concession d'Abousir peut encore assurer du travail aux fouilleurs pour les 100 ou 150 ans à venir.

   Que de pain sur la planche en perspective ! De ce pain qui venait en première position, - (souvenez-vous des traditionnelles formules d'offrandes destinées à assurer la survie post mortem de tout défunt  : nous en avions rencontré un bel exemplaire gravé sur la margelle d'un petit bassin que nous avions un jour traduit ensemble) -,  bientôt suivi par de la bière et mille autres bonnes choses ...

   De la bière ?

   "Bon sang, mais c'est bien sûr ! "

   Qui mieux que des Tchèques et des Belges réunis pour avancer, une bonne Pils, Stella ou Jupiler à la main, dans cette enivrante aventure archéologique ?

   "Alleye, alleye, une fois", comme il paraît que l'on dit à Bruxelles : je me propose tout de go d'en déguster une en vous fixant rendez-vous ici même au cimetière sud d'Abousir, devant ... d'autres bières, lithiques celles-là, dès samedi prochain, 18 septembre.

   A votre santé, amis lecteurs ...