Dans un chaud froid réjouissant, Bertrand Blier est de retour, et se renouvelle. Il a de la bouteille et ça se voit ! Le bruit des glaçons, c’est deux mesures de dérision, une dernière de vérité humaine, le tout « shaké » en mode désillusion. Le bruit des glaçons normalement associé aux festivités est ici synonyme de la longue dégradation d’un homme fâché avec la vie. La mort va donc frapper à sa porte, et le surprendre.
Un jour, on ouvre sa porte à la maladie. On ne sait pas pourquoi. Ici c’est une tumeur qui sonne. On résiste, on fuit, on se bat, mais elle s’incruste. C’est Albert Dupontel et grand forme lui aussi, et bien trop rare au cinéma, qui se charge de donner à la tumeur un tempo, un souffle humanisé, un bruit dans l’oreille d’un Jean Dujardin, écrivain désenchanté, à qui le Goncourt a souri, mais dont l’inspiration trop arrosée, a fait fuir femme et enfant. Le décor est planté non pas en studio, mais dans une villa du sud de la France, isolée, fermée. Le huit clos douzième degré peut démarrer, et il ne nous déçoit pas, tout en finesse, de beaux dialogues, une interprétation parfaite, le nouveau duo du cinéma français fonctionne. Ce nouveau cocktail, décapant, c’est les « Du-Du », pour Dujardin et Dupontel. Nous ne sommes pas proches des De-De (Depardieu et Deweare), mais on n’en est pas si loin que ça. Les valseuses planent, il y a comme une odeur de Buffet froid, et les Combien je t’aime fusent. Aucune comparaison n’est possible avec le Blier des années 70, et 80. Mais cette sauce là à du corps, et un petit fond de blanc, qui nous empêche de broyer du noir pendant une heure de demie. On ne sent pas la maladie, on la visite !
Ici on donne dans l’efficacité, Albert Dupontel, tel un ressort désopilant, et presque trop vivant se livre à un corps à corps avec sa proie. En costume trois pièces, hirsute, il est l’énergie alors que Jean le mou, le triste. Cela dit les deux protagonistes se déshabillant et finissant en caleçon frôlent une égalité virile remarquable! Et on ne vous dit rien sur tout ce qui se passe dans le lit..
Pas une minute de répit pour cette victime d’une tumeur maligne qui ne pense qu’à libérer ses métastases et bien faire son travail. Que nous reste t il quand la maladie nous ronge ? L’amour, la famille, un dernier combat ? L’amour c’est Louisa, interprétée par la formidable Anne Alvaro*, on est très loin du cliché sexy habituel de la bonne. Ici tout est maturité, sentiments secrets et regards en biais. Louisa sera la rémission sentimentale, et s’opposera de toutes ses forces à la mort. On ne vous dit rien sur la bataille. La famille c’est un fils (Emile Berling), qui revient embrasser un père pour la dernière fois, le dernier combat, c’est tordre le cou à la tumeur, et au destin.
Nous voici à l’opposé d’une Rencontre avec Joe Black, où Brad Pitt poursuit Antony Hopkins, et manie la crise cardiaque mieux que personne, exhibant un regard d’ange, et seulement. Nous sommes dans une fable où les vérités sont toutes bonnes à dire et où la tumeur n’est pas celle qu’on croit. Quant à Jean Dujardin, la mort lui va si bien !
Les phrases qui tuent :
« C’est très bien de tuer des gens, moi par exemple, imaginez si je reste vivant, qu’est ce que je vais devenir, un vieux connard, un trou du cul, bon pour l’Académie ! »
« Des emmerdes oui, mais pas toutes les emmerdes ! »
« Parlez poliment sinon je vous fais un pancréas, c’est très rapide un pancréas ! »
Un petit concours de titre ?
Saluons au passage le titre de la critique de Thomas Sotinel dans Le Monde :
« Le bruit des glaçons, plus oportun, tumeur »
Commençons :
Le bruit des glaçons : un chaud froid irrésistible
Le bruit des glaçons : plus fatal, tumeur
Le bruit des glaçons : la mort cul sec
Le bruit des glaçons : ça refroidit
Le bruit des glaçons : tumeur ou pas ?
Chers internautes d’autres titres à proposer ? A vous de jouer.
Le bruit des glaçons, de Betrand Blier
Avec Jean Dujardin, Albert Dupontel, Anne Alvaro, Myriam Boyer, Emile Berling, Audrey Dana
* Souvenez-vous de Anne Alvaro, actrice de théâtre et de cinéma. Bel hommage à cet immense talent fait par Biler. Anne Alvaro, c’est la délicate et profonde prof d’anglais de Jean Pierre Bacri dans Le goût des autres de Agnès Jaoui.