Depuis le début de l’année 2010, après que la crise grecque ait montré la menace que pouvait faire peser une dette incontrôlée sur l’avenir d’un Etat, le gouvernement français a semblé découvrir le mauvais état des finances publiques d’un pays pourtant géré par la même majorité depuis plus de huit ans.
Certes, et personne ne le contestera, la crise financière et économique de 2008/2009 a fortement contribué à la dégradation de la situation française en matière de dette mais il convient néanmoins de revenir sur la gestion plus qu’hasardeuse qui fut celle de la Droite dans ce domaine depuis 2002.
A son arrivée au pouvoir après le 21 avril 2002, la Droite hérite d’une situation relativement saine avec une dette dont la progression en valeur a été très faible durant les cinq années de gouvernement de la gauche plurielle. Ainsi, de 1997 à 2002, en terme de pourcentage du PIB la dette publique de la France est passée de 59,3% à 56,9%. En outre, à cette date les comptes de la sécurité sociale sont en équilibre.
Malheureusement, le nouveau gouvernement ne poursuivra pas dans la bonne orientation des finances publiques et consentira de nombreuses baisses d’impôts, le plus souvent par le biais de niches fiscales à l’intérêt économique plus que discutable. L’exemple le plus éclairant en la matière étant la fameuse « niche fiscale Copé » de 2006 (exonérant de tout impôt sur les sociétés les cessions de filiales par les grandes entreprises) coûtant à elle seule à l’Etat plus de 14 milliards d’euros par an en manque à gagner, soit l’équivalent du « Paquet fiscal » mis en place avec l’efficacité que l’on sait par Nicolas Sarkozy à son arrivée au pouvoir. Au total sur cinq ans, la baisse des recettes atteint 1,7% du PIB soit environ 35 milliards d’euros.
Le quinquennat de Jacques Chirac avait donc déjà été très mauvais pour les finances publiques avec une forte hausse de la dette sur la période mais le pire restait à venir. Après son élection en 2007, loin d’inverser la tendance, Nicolas Sarkozy la renforce. Dans l’illusion d’un prétendu « choc de confiance » qui n’aura pas lieu, et aveuglé par sa conviction « d’aller chercher la croissance avec les dents , il entame son quinquennat par le « paquet fiscal » de la loi TEPA qui revient à une perte de 14 milliards d’euros par an pour l’Etat avec une utilité économique quasiment nulle (baisses d’impôt réservées aux privilégiés sans conséquence sur l’évasion fiscale en nette hausse, défiscalisation des heures supplémentaires reconnue de tous comme inefficace, voire pur clientélisme avec la rétroactivité du crédit d’impôt sur les travaux des résidences principales…).
Pour donner l’impression d’une gestion rigoureuse, il se contente de postures à l’image d’un François Fillon déclarant en septembre 2007 « je suis à la tête d’un Etat en faillite » ou de la constante mise en avant de la RGPP (plan de Révision Général des Politiques Publiques). RGPP qui ne permet pas de réelles économies (elles sont négligeables face à la baisse constante des recettes par les allégements fiscaux) et obéit avant tout à un objectif idéologique : montrer du doigt la fonction publique comme « pléthorique », « coûtant trop cher » et démanteler peu à peu les moyens d’action de la puissance publique. Comme Philippe Seguin le soulignait dans un rapport de la Cour des Comptes en décembre 2009, la règle du « non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite » est appliquée sans aucun aménagement, à l’aveugle et met dans une situation très délicate de nombreux secteurs de l’administration qui peinaient déjà à accomplir leur mission avec leurs effectifs précédents (les meilleurs exemples en sont évidemment l’Education Nationale et la Police…).
Enfin pour couronner le tout, et ce en pleine crise économique, Nicolas Sarkozy s’est payé le luxe de continuer à faire disparaître ce qui restait de ses marges de manœuvre budgétaires pourtant déjà presque inexistantes. Ainsi a-t-il fin 2009, contre l’avis de tous les économistes baissé la TVA à 5,5% dans le secteur de la restauration, mesure inefficace s’il en est (les premiers chiffres datant d’un mois l’ont prouvé à qui en doutait encore), fort coûteuse (3,5 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat) et si clientéliste que c’en est presque obscène…
Le résultat d’une telle politique est aujourd’hui visible par tous, en 2009 le déficit des comptes publics à atteint 7,5% et la dette le niveau record de 77,5% du PIB. Selon de nombreux experts, elle devrait dépasser les 90% du PIB en 2012. Ces chiffres catastrophiques sont certes dus en partie à la crise mais surtout à l’irresponsabilité passée du gouvernement. En effet Gilles Carrez, député UMP et rapporteur du Budget à l’Assemblée Nationale le reconnaissait lui-même il y a peu, depuis dix ans (dont les huit dernières, faut-il le rappeler, de gouvernement de la Droite) l’Etat à perdu entre 100 et 120 milliards d’euros de recettes dont les deux tiers dus à des baisses d’impôt (soit environ 70 milliards, le reste correspondant surtout à des transferts de compétences aux collectivités territoriales). D’après ses calculs, si l’Etat avait évité ces baisses de recettes, la situation de la France en 2009 (crise économique prise en compte) serait de 3,5% de déficit avec une dette à 55% du PIB. Selon ce scénario, avant la crise le budget aurait été excédentaire trois années de suite de 2006 à 2008 et le niveau de la dette publique serait alors descendu sous les 50% du PIB.
De tels chiffres parlent d’eux-mêmes et mettent en lumière la faillite totale des gouvernants actuels dans la gestion des comptes publics depuis 2002.
Des lors, les déclarations « rigoureuses » du Président de la République et du Premier Ministre François Fillon sur la nouvelle politique d’austérité prêteraient à sourire si leur déconnection de la réalité n’était pas si tragique pour notre pays. Après huit ans de gestion calamiteuse, le pouvoir est donc aujourd’hui contraint à un plan de rigueur sous la pression des marchés mais refuse toujours de remettre en cause le paquet fiscal, la baisse de la TVA dans la restauration ou d’autres baisses d’impôt coûteuses et inutiles. Par contre, se sentant obligé de donner des gages aux marchés il accentue les coupes claires dans une fonction publique déjà exsangue, et se prépare à faire payer aux catégories modestes et moyennes la facture de son incompétence. En effet l’Etat versera 4 milliards de moins d’aides sociales et supprimera 60.000 emplois aidés (sur 400.000) s’adressant aux jeunes peu qualifiés. Quant aux classes moyennes, elles étaient les principales bénéficiaires des niches fiscales bientôt « rabotées », puisque le président fidèle à sa réputation « d’ami des riches » compte supprimer des niches liées à l’épargne.
Dernière manœuvre d’évitement, Nicolas Sarkozy a récemment fait part de son intention de réformer la Constitution pour y intégrer une règle rigide de maîtrise des déficits. Il y a fort à parier qu’une telle annonce reste lettre morte étant donné l’absence de la nécessaire majorité des trois cinquièmes du congrès pour l’adoption par le parlement et le caractère hasardeux d’un référendum en situation de très forte impopularité ; néanmoins le fait même que le premier responsable des déficits actuels propose « d’en finir avec l’irresponsabilité » laisse songeur : un pyromane, même en uniforme de soldat du feu, ne deviendra jamais un bon pompier.
Cette politique de « rigueur » relève donc de la farce. D’abord parce qu’elle n’aurait jamais été nécessaire sans l’incapacité flagrante de la Droite et de Nicolas Sarkozy à gérer l’Etat correctement depuis huit ans. Ensuite parce que loin d’être une salutaire prise de conscience elle entérine des choix politiques et budgétaires désastreux et sert une idéologie du désengagement de l’Etat alors même que la crise à prouvé, une fois de plus, l’absolue nécessité de sa puissance. Enfin parce que loin d’être un effort partagé elle va d’abord toucher les Français les plus modestes et les classes moyennes tandis que les privilégiés – toujours aussi bien traités par le pouvoir sarkozyste – seront épargnés.
Véritable « conte moral » des finances publique, l’histoire de ces dernières années devrait suffire à discréditer totalement ceux qui pensaient encore pouvoir prétendre que « la droite est bien plus capable de gérer l’Etat que la gauche ».
Point de vue militant sur « le blog de la section Jean Zay de Sciences Po«
merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré