J'ai découvert le nom de Sammy Stein pour la première fois en tournant les pages de la superbe revue Collection &, pratiquement au même moment, sur le blog de Joseph Ghosn qui lui posait quelques questions sur son travail. Le bonhomme n'en était pourtant pas à son premier coup de crayon. Il y a eu La Fille à 6 bras ainsi que Claquettes & Dancemusic touchant recueil dont certains dessins sont disponibles sur son site & préfacé par... Ghosn. Déjà. D'ailleurs voilà comment il lui résume, en une ligne, Les Couloirs du Temps : « L'histoire est celle d'un homme qui perd la mémoire et parcourt les couloirs du temps à sa recherche. ». Derrière cette marotte universelle d'une simplicité désarmante sautille en coin une expérience graphique assez surprenante car Sammy Stein n'est pas un auteur de bande dessinée. Le livre est le fruit heureux & périphérique d'une exposition qui s'est tenue dans une galerie de la bibliothèque universitaire d'Angers, un immense couloir de 70 mètres de long. D'où le nom. D'où le livre.
Voilà pour une généalogie succincte & venons en à la délicatesse apparente du trait de Sammy Stein qui tend une embuscade à tous ceux qui pourraient se dire qu'en prenant un stylo & une feuille de papier ils feraient sans doute aussi bien. Il est vrai que ses dessins presque enfantins pourraient prêter à confusion. C'est en fait une vieille polémique sans intérêt dont beaucoup d'artistes sont encore victimes (je pense notamment à Benoît Jacques & à son noir, brut & somptueux L ou au Robin Hood de Simon Roussel tout de coups de feutres vêtu ) & qui ramène sa fraise régulièrement, pour rien. Qui pourraient encore se plaindre de trouver autant de beauté aux Peanuts de Charles Schulz qu'au Délirius de Druillet ? Le travail de Sammy Stein fait partie de ces livres, comme ceux de Schulz, qu'il nous faudra relire encore une fois pour bien comprendre comment un geste si sobre peut insuffler autant d'énergie.
L'humour ontologique, métaphysique, une certaine mélancolie confortable aussi & ce dessin délicat - qui me tient encore par la main sans qu'il ne m'ait été demandé d'autre effort que la simple appréciation d'une histoire, belle & mille fois racontée - tout ceci, bien agencé dans sa pochette transparente avec laquelle on aura aussi eu la délicatesse de mettre un CD de la mort qui tue & un poster, tout ceci, j'insiste au cas où, produit quelque chose d'assez rare : la satisfaction d'avoir été pleinement comblé. ---------------------------------- Illustrations de Sammy Stein