Un bien beau match

Publié le 09 septembre 2010 par Toulouseweb
EasyJet tisse sa toile en France, patiemment, et avec respectabilité.
On est bien loin des gesticulations irlandaises, des coups de bluffs, des excčs de langage qui contribuent ŕ façonner l’image un peu vulgaire des compagnies low-cost. EasyJet n’est Ťqueť numéro 2, sa maničre de faire est celle d’un bon pčre de famille qui sait oů il va et ses résultats, solides, sont ŕ l’abri du moindre reproche. Sur le long terme, on lui ferait volontiers plus confiance qu’ŕ d’autres.
A mi-chemin entre Ryanair, low cost pure et dure qui ne dessert que d’improbables pistes éloignées de toute ville digne e ce nom et Air Berlin, vraie-fausse low-low désormais un peu bourge, EasyJet est sans doute en train de façonner le modčle économique du juste milieu. Et elle ne se prive pas de le rappeler, bien qu’elle résiste remarquablement ŕ la tentation de l’idéologie. S’il existe une révolution orange, c’est bien une révolution tranquille.
En France, il semblerait que Toulouse lui serve de laboratoire ou, tout au moins, de test permanent. Arrivée dans la Ville rose en 2003, EasyJet a donné l’impression, ŕ tort ou ŕ raison, de marcher sur des œufs, d’éviter de faire de vagues ou de provoquer Air France. La déréglementation du marché aérien européen était déjŕ profondément ancrée dans les mœurs, au point de permettre ŕ une compagnie britannique de desservir un grand axe intérieur français sans susciter étonnement ou interrogations. Pour un peu, on aurait cru ŕ la réincarnation d’Air Inter, sous une livrée un peu criarde. Robert Vergnaud, René Lapautre et quelques autres ont certainement ri sous cape.
Paris-Toulouse est, de longue date, Ťlať ligne intérieure française. Un sous-TGV assure la liaison ferroviaire au mieux en 5 h 20, une éternité, ce qui explique qu’Air France offre une bonne trentaine de vols quotidiens, au départ d’Orly, du vrai point ŕ point, et Roissy-CDG, au profit du grand Ťhubť, principal pivot du réseau mondial de la compagnie ex-nationale. Quand EasyJet s’est présentée, discrčtement, avec deux petites fréquences quotidiennes TLS-ORY seulement, personne n’a cru que Blagnac jouerait bientôt un rôle important dans sa stratégie des petits pas. C’est sans doute ce qui lui a permis de s’installer en toute quiétude. Ces deux fréquences sont ŕ présent devenues sept, deux vers CDG, cinq vers Orly.
Sept ans aprčs son arrivée, EasyJet dessert dix destinations depuis Toulouse, y compris celles inaugurées ces jours-ci, Rome, Milan et Lisbonne. Sans compter ces nouveautés, EasyJet détient 16% du marché toulousain et elle est, on s’en doute, la deuxičme compagnie, derričre Air France.
Malgré les apparences, de maničre générale, il n’y a pas de guerre commerciale ouverte entre Ryanair et EasyJet. La premičre est chef de file de sa catégorie, EasyJet numéro 2. Et, en l’absence de rivalité bruyante, la compagnie orange se montre capable, elle aussi, de semer des peaux de bananes lŕ oů elle y a intéręt, ou pour le plaisir. Ainsi, elle qui ignore superbement les Beauvais et autres Charleroi, qui ne dessert que de vrais aéroports, dont les avions sont parqués ŕ côté de ceux d’Emirates ou de Qantas, devant des aérogares étincelantes comme des publicités sur papier glacé, la voici qui se présente, écoutez bien, comme Ťla premičre compagnie aérienne européenne en termes de réseauť.
Il convient de relire attentivement cette affirmation, basée sur un trafic annuel de 50 millions de passagers et la desserte de 123 escales dans 29 pays. De vraies escales, doit-on comprendre, les seules qui méritent d’entrer de plain-pied dans des statistiques et qui fassent vraiment sourciller Air France-KLM, British Airways-Iberia et l’ambitieux groupe Lufthansa. La Ville rose, du coup, sert de symbole. Depuis le 1er janvier, EasyJet y a enregistré trčs exactement 936.500 passagers.
Au męme moment, la discrčte ELFAA, European Low-Fare Airlines Association, publie des chiffres instructifs. Au cours des douze mois de juillet 2009 ŕ juin 2010, ses membres ont transporté 167 millions de passagers, une progression de 12%, malgré la récession, malgré le volcan islandais.
La recette moyenne par passager d’EasyJet est de 50 euros. On ne peut s’empęcher d’établir le rapprochement avec une campagne de promotion d’Air France qui propose actuellement un tarif ŕ 48 euros vers nombre de destinations. C’est dorénavant sur ce terrain que les concurrents croisent le fer. Un bien beau match ! Qui plus est, les joueurs des deux camps sont bien élevés.
Pierre Sparaco - AeroMorning