L'Afrique a un brillant avenir économique, selon Jean-Michel Severino, ancien directeur de l'Agence française pour le développement (AFD), un organisme gouvernemental français de financement.
Dans son livre «Le temps de l'Afrique» Jean-Michel Severino et son co-auteur Oliver Ray écrivent que l'Afrique sub-saharienne a débuté le nouveau millénaire avec de biens meilleures conditions économiques et sociales qu'on le croit généralement.
Pour avancer l'idée que «l'Afrique est en train de devenir un continent riche», les auteurs utilisent des données récentes indiquant une croissance économique rapide, des investissements élevés et une pauvreté qui diminue. «L'image que nous avons en Europe de l'Afrique - un continent plongé dans la pauvreté et la maladie - n'est tout simplement pas vraie», précise Severino. «L'Afrique sub-saharienne est devenue une région à forte croissance économique avec de nombreuses occasions d'affaires. La région est comme un train en route vers la richesse et la prospérité».
Objectifs du millénaire
Severino rappelle que depuis le début du siècle, l'économie de l'Afrique sub-saharienne a connu une croissance annuelle moyenne de 5,5 pour cent alors que la zone euro n'affiche que 1,35 pour cent. Il cite ensuite une étude récente réalisée par le Bureau national américain de recherche économique (NBER) qui montre que la pauvreté en Afrique est en baisse. L'économiste de la NBER Xavier Sala-i-Martin et son assistant de recherche Maxim Pinkovskiy prédisent que l'un des objectifs du millénaire qui vise à réduire de moitié la pauvreté pourra être atteint si les tendances actuelles persistent.
Tous les indicateurs régionaux, de la croissance démographique à l'urbanisation, des investissements étrangers soutenant le commerce international à la stabilité politique, suggèrent que l'Afrique est sur la voie de la prospérité.
Urbanisation
Severino explique que l'évolution démographique dans la région est maintenant caractérisée par une baisse simultanée des taux de natalité couplée à une croissance démographique plus modérée. «En 2050, l'Afrique comptera environ deux milliards d'habitants. Soixante pour cent d'entre eux vivront dans les villes. Historiquement, l'urbanisation et la croissance démographique ont toujours conduit au développement. La productivité a augmenté et de grands marchés ont été créés, tout cela a été stimulé par la demande intérieure produisant des effets secondaires positifs pour les zones rurales».
L'auteur s'attend aussi à une amélioration significative des finances publiques en Afrique en raison de la suppression massive de la dette extérieure et une croissance des recettes fiscales supplémentaires.
Les investissements privés et publics ont augmenté de façon constante depuis le milieu des années nonante. Les prix élevés des produits de base et des matières premières ont aidé la croissance des économies africaines à se consolider. L'Afrique a également un énorme potentiel dans le domaine de l'énergie. «Le continent utilise moins de 7 pour cent de sa capacité énergétique hydroélectrique. L'Afrique a beaucoup de possibilités pour s'engager dans d'autres formes d'énergies renouvelables comme le solaire, l'énergie éolienne et l'énergie de la biomasse».
Le changement climatique reste, selon Severino, une menace majeure pour l'Afrique. «Les régions intertropicales seront plus durement touchées par le changement climatique. Comme ces régions sont très pauvres, la vulnérabilité des habitants au changement climatique sera encore plus importante».
Éducation
Certains commentateurs et analystes français considèrent «Le temps de l'Afrique» comme « le plus passionnant des livres publiés en France ces dernières années à propos de l'Afrique». L'ouvrage offrirait aussi un « nouveau visage» à l'Afrique.
D'autres analystes restent relativement critiques. Bakary Traoré, un chercheur au Centre de développement de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), regrette que le livre ne fasse pas référence aux conséquences de la crise économique mondiale pour l'Afrique et pointe le manque d'informations en matière d'éducation et des problèmes de sociétés fragmentées.
Traoré regrette également «l'absence de référence à un état de providence et de débat politique permettant de rappeler que la religion joue un rôle crucial dans les questions sociales». Il admet cependant que le livre dresse bien les changements en cours en Afrique, mais que Severino et Ray n'abordent pas vraiment les questions importantes sur l'avenir du continent africain. «Il s'agit de la crise en cours dans l'enseignement, la gestion des marchés agricoles stratégiques, l'utilisation des recettes fiscales ou encore la qualité de la protection sociale».
Tous ces facteurs doivent être analysés en profondeur pour parvenir à une «bonne politique publique qui puisse transformer la force actuelle dans la région en un facteur de stabilité conduisant vers le développement africain», conclut le chercheur Traoré.