Après la parenthèse musicale de lundi, L’Etrange Festival remonte le son avec des films du jour très rock’n’roll…
Dans le cadre de l’hommage à Jean-Pierre Kalfon, projection du film Les idoles, dans lequel trois rock-stars, idoles de la chanson yéyé dans les années 1960, règlent leurs comptent avec leurs impresarios, dénoncent les magouilles et les compromissions et sabordent leurs carrières. Un film culte qui, dixit ceux qui l’ont vu ou revu, a quand même pris un coup de vieux…
Du côté des inédits et des avants-premières, on trouve Lemmy, portrait documentaire de Lemmy Kilmister, chanteur et membre fondateur du groupe Motörhead, dont les premiers échos sont plutôt bons, et The Runaways, l’épopée du groupe de la chanteuse Joan Jett, revue (et corrigée?) par Hollywood, avec Kristen – Twillight – Stewart dans le rôle de l’interprète de “I love rock’n’roll” et Dakota Fanning dans celui de la chanteuse Cherie Currie…
Mais le rock et la pop se nichent aussi dans des oeuvres plus improbables, comme L’inconnu de Shandigor, une des “Pépites de l’étrange” dénichées par les programmateurs. Un truc assez étrange, qui commence avec la découverte d’une machine capable d’annihiler les effets destructeurs des bombes atomiques, et donc, de révolutionner le monde. Mais son inventeur, un génie misanthrope et parano, décide de se couper du monde et de garder pour lui son invention.
Des espions du monde entier cherchent à s’emparer de son secret et assiègent sa demeure…
Parmi eux, un agent soviétique joué par Jacques Dufilho, aimant à torturer ses prisonniers à coups de… musique rock et Serge Gainsbourg, instructeur de choc et de charme d’un groupe d’espions chauves qui n’hésite pas à pousser la chansonnette (“Bye bye Mister Spy”, écrite pour l’occasion…)
Une vraie curiosité que ce film d’anticipation suisse signé Jean-Louis Roy, à mi-chemin entre Les Barbouzes de Lautner et Les espions de Clouzot, avec une pointe de SF inquiétante, porté par un casting international : Daniel Emilfork en savant fou, vingt ans avant La Cité des enfants perdus, Ben Carruthers (l’acteur du Shadows de Cassavetes!) et Howard Vernon (qui sortait, à l’époque, de l’Alphaville de Godard!)…
Même les courts métrages de Mensomadaire, proposés parfois en avant-programme par le principal sponsor du Festival, Canal +, se déclinent en musique aujourd’hui, avec par exemple Cantor dust man, comédie musicale pour soliste, sur les effets de l’ingurgitation d’une mixture à base de chou romanesco (ben oui, c’est pas L’Etrange Festival pour rien…). Aussi bizarre que Peripetics ex-machina, court-expérimental inclasable.
Ah! Nous interrompons cette chronique car une news vient de tomber sur nos téléscripteurs (ça existe encore, ça?) : Robert Mitchum est mort.
Euh, coco, ton info, elle n’est pas du tout récente. Le grand Bob est décédé en 1997… Tu as été cryogénisé pendant treize ans ou quoi?
Ah, d’accord, c’est le titre du film d’Olivier Babinel et Fred Kihn, un road-movie qui suit le périple de Franky Pastor (Pablo Nicomedes, nouvelle “gueule” du cinéma français, un acteur à suivre…), un comédien de seconde zone dépressif, et de son manager, Arsène (Olivier Gourmet, égal à lui-même, donc très bon), le seul à croire encore en son talent, sur les routes de l’Europe du Nord. De la France à la Pologne, de la Pologne à la Norvège, jusqu’au cercle polaire arctique, lieu d’un improbable festival de cinéma…
Leur objectif ? Y rencontrer un célèbre réalisateur américain potentiellement capable de lancer la carrière américaine de Franky – et tant pis si le jeune homme ne parle pas anglais et joue relativement mal…
De toute façon, ce qui importe n’est pas ce qu’ils vont trouver au bout de la route, mais les rencontres qu’ils vont faire en chemin, dont un musicien noir étrange au look improbable, mi-gothique, mi-musicien de la Motown des 70’s, une polonaise désireuse de s’acoquiner avec des gangsters frenchy ou un producteur (très, très) fatigué…
Et Robert Mitchum dans tout ça ? Euh… Le film commence par une de ses célèbres citations, où il explique qu’il devenu comédien parce qui si Rintintin pouvait devenir une vedette, lui aussi pourrait y parvenir.
Mais les temps ont changé… Devenir acteur, scénariste, cinéaste ou artiste, tout simplement, est plus difficile aujourd’hui.
Le cinéma aussi a changé. Avant, c’étaient les oeuvres hollywoodiennes qui faisaient rêver le monde entier. Les westerns en technicolor, les mélos flamboyants et surtout, les films noirs avec cigarettes et jolies pépées ont bercé l’enfance de Franky et d’Arsène… Mais ces oeuvres de l’âge d’or ont cédé la place à des films commerciaux sans âme (à quelques exceptions près, heureusement!).
Le salut, pour un artiste, passe peut-être par des chemins moins classiques, des coproductions européennes, des oeuvres totalement libres et atypiques, comme ce road-movie à la tonalité douce-amère et nostalgique, peuplé de personnages eux-aussi atypiques et attachants…
Robert Mitchum est mort est assurément un des films les plus inclassables de l’année, porté par une liberté de ton proche des films du finlandais Aki Kaurismäki (on pense un peu à Leningrad cowboys go America) et baigné dans la culture américaine des années 1950/1960 – cinématographique et musicale.
Et pour bien faire le lien avec les autres films de la journée, le personnage d’imprésario voyou joué par Olivier Gourmet est passionné de, devinez?…
… Rock’n’roll ! Euh, il n’y en a que trois qui suivent…
Beaucoup considère que l’apogée du rock se situe dans les années 1960/1970… Pour Lionel Soukaz, cinéaste et vidéaste à qui le festival accorde cette année une carte blanche, c’est aussi une période faste pour l’art, un grand élan de libertés et d’expérimentations audacieuses, notamment en matière d’érotisme.
Le premier programme qu’il est venu présenter, intitulé “Archéologie”, rend hommage à certains artistes qui ont influencé son propre travail, comme Pierre Molinier - à travers son court, Jambes, du portrait que lui a consacré Raymond Borde ou Satan bouche un coin, dans lequel il a joué – ou Michel Journiac (Journiac, 150 poèmes mis en sang).
Bon, c’est bien beau tout ça, allez-vous me dire, mais le “folle” du titre de cette cinquième chronique, il vient d’où?
Hé! Non! Pas de Lionel Soukaz, bande de coquins. D’accord, le cinéaste fut l’un des ardents défenseurs de la cause homosexuelle, mais ce n’est pas une raison pour le traiter de “folle”, voyons…
Non, “folle” s’entend au sens dingo, maboule, psychopathe même… Comme l’héroïne de Dream Home, le slasher hongkongais de Pang Ho-Cheung.
La belle Cheng Lai-sheung (Josie Ho) y nourrit en effet l’obsession de posséder un bel appartement avec vue sur la mer. Mais à Hong-Kong, ville en nette surpopulation, les prix de l’immobilier flambent considérablement. Il faut faire pas mal de sacrifices pour s’offrir le logement de ses rêves, et même quand on croit enfin toucher au but, la cupidité des vendeurs peut encore tout faire capoter. Il y a donc de quoi devenir marteau…
Et d’ailleurs, oh-oh-oh-oh… Si elle avait un marteau, Cheng Lai-sheung taperait tout le monde… Plus fort! oh-oh-oh-oh Encore plus fort!
Ah ben tiens, elle en a un, justement… Un gros marteau bien solide, et des tournevis, des couteaux, des colliers de serrage et pleins d’autres trucs capables de commettre un grand carnage sanguinolent à souhait.
Cela pourrait n’être qu’un banal film d’horreur mais, pour une fois, les motivations de la tueuse sont loin d’être absurdes et les meurtres sont exécutés avec une certaine inventivité, un certain raffinement dans la cruauté et le délire gore… Pas si mal, donc…
A demain pour la suite de ce beau voyage dans le fascinant monde de l’étrange…