Lors de sa mise en place, Martin Hirsch tablait en effet sur un objectif de 1,6 ou 1,7 million de bénéficiaires potentiels du seul RSA activité, dont 800 000 dès la fin de 2009. On est donc très loin. Il y a deux ans, alors que le RSA était en gestation, Économie et société faisait le point sur les avantages et les inconvénients de cette mesure.
Article publié pour la première fois le 03/09/2008 Le Gouvernement s'est engagé dans une réforme « sociale » d'envergure, le RSA (revenu de solidarité active), qui permettra d'accroître de 10% l'effort de la Nation en faveur des plus pauvres (1,5 milliard d'euros supplémentaires). Si le RSA part d'une intention louable et d'un constat pertinent (la pauvreté touche désormais plus les salariés que le reste de la population) il n'est pas sans ambiguïté et sans contradiction.
Un tournant social ? Ce dispositif ne marque pas une « rupture » dans l'orientation économique et sociale de Nicolas Sarkozy. La priorité reste le « paquet fiscal » (15 milliards d'euros) pour lequel le Gouvernement a pris le risque de gonfler la dette publique. En revanche, la rigueur budgétaire s'impose d'elle même lorsqu'il s'agit des plus pauvres. Rappelons que Martin Hirsch s'est vu refuser les 2 à 3 milliards d'euros qu'il souhaitait... et les 1,5 milliards accordés ont attendu leur contrepartie fiscale pendant un an.
Le RSA n'entretiendra-t-il pas la pauvreté ? Dans l'arsenal des politiques libérales de lutte contre « le chômage volontaire », le RSA constitue une subvention au travail à temps partiel. Or la principale cause de la pauvreté actuelle réside dans la multiplication de ces contrats précaires. On peut également se demander si les heures supplémentaires des uns ne feront pas les petits contrats des autres....qui viendront alors grossir les rangs des bénéficiaires du RSA.
Quel avenir pour le RSA ? Lorsque l'essentiel de la protection sociale était financé par le salaire, à travers les charges sociales, les recettes gagnaient en stabilité et en légitimité puisque le mécanisme de transfert relevait d'une solidarité interprofessionnelle donc d'un régime d'assurance sociale (je travaille donc je cotise). En faisant le choix de la solidarité par l'impôt, on expose les bénéficiaires à toutes les conjonctures, économiques comme politiques... Si demain le cycle économique s'inverse combien d'épargnants accepteront de payer pour les plus pauvres? Quels critères supplémentaires seront exigés? Déjà, une partie de la majorité exige que l'impôt imaginé pour financer le RSA reste « transitoire ».
Le RSA n'affaiblit-il pas le salariat ? L'allocation spécifique de solidarité, accordée aux chômeurs en fin de droit, tend à assigner le demandeur d'emploi indemnisé au statut de pauvre et de ce fait l'isole de l'ensemble des salariés. Le RSA ne fera-t-il pas de même avec certains travailleurs qui glisseront de la situation de salarié à celle de pauvre ? De l'assurance à la solidarité puis à la solidarité active, le RSA est un pas supplémentaire vers la déresponsabilisation des entreprises et le fractionnement du salariat.
Le financement du RSA par l'épargne représente-t-il un progrès social ? L'annonce d'un prélèvement de 1,1 % sur certains revenus du capital a toutes les apparences de la justice...mais il s'agit plutôt d'un bricolage de dernière minute. Les marges de manœuvres de l'État ayant été épuisées par la loi TEPA et le Gouvernement ne pouvant envisager de taxer les revenus ou la consommation, reste l'épargne.
L'équité du prélèvement est contestable. Strictement proportionnel, il favorise les plus riches épargnants...qui pourraient d'ailleurs y échapper grâce au bouclier fiscal, ce que souhaite d'ailleurs Christine Lagarde. La nature de l'assiette fiscale est problématique. Faire de la rente le fondement d'une solidarité « active » n'est-il pas contradictoire? Cela ne revient-il pas à légitimer la formation d'une économie rentière ?