La mode est aux lettres ouvertes. Il paraît que c'est tendance. Il s'agit de la chose la plus simple à définir au monde : une lettre adressée à un correspondant, mais ouverte à tous. En clair, toute lettre ne peut être ouverte : ça dépend de l'intérêt du sujet abordé qui doit être général. C'est fort de cette observation que je m'en vais m'adresser à Jean Manga Onguéné, notre nouveau DTN, pour lui indiquer les chantiers que je souhaiterais qu'il attaque dès sa prise de fonction. Il s'agit d'une doléance plus que d'une feuille de route (je ne suis pas son patron). En clair, voici la demande d'un citoyen camerounais à celui qui est désormais chargé de tracer la route à notre football.
Monsieur,
Permettez d'abord que je vous dise toute mon admiration pour la carrière qui fut la vôtre. Personnellement, je vous ai surtout connu comme le goléador du Canon de Yaoundé, à la belle époque. J'étais très jeune alors, et je ne connaissais pas grand chose au football (je pensais que le Canon, c'était l'équipe nationale du Cameroun, c'est vous dire). Néanmoins, j'ai grandi bercé par vos exploits, ainsi que ceux de vos camarades du Kpwa Kum. Plus tard, j'ai suivi vos prestations en tant qu'entraîneur du même Canon de Yaoundé. Je me souviens notamment d'une saison (ma mémoire me fait défaut, mais vous vous rappelez sûrement laquelle) pendant laquelle vous vous étiez lancé le défi d'achever le championnat en restant invaincu. Et vous aviez tenu cette promesse ! De même, vos fonctions à la tête de différentes catégories de l'équipe fanion ont toujours été couronnées de succès. Au-delà de tout ceci, je trouve que vous possédez des qualités plutôt rares dans le milieu du football : vous êtes cultivé, pondéré et intelligent. En un mot, et pour parler comme les jeunes, vous avez de la classe. Bref, vous étiez, et vous êtes toujours une légende vivante, et je trouve tout à fait justifiée la décision prise par les dirigeants de notre football de vous confier la DTN.
Au moment où vous allez prendre vos fonctions, nul n'ignore que notre football se trouve dans un état déplorable. Si l'on considère par exemple les performances des clubs camerounais en compétitions africaines, ce seul indicateur montre le faible niveau de notre championnat national. La dernière victoire d'une équipe camerounaise en Ligue africaine des champions remonte à ... 1980, soit il y a trente ans ! Il s'agit du Canon de Yaoundé, ce qui veut dire que vous êtes la dernière génération de joueurs à avoir remporté ce trophée. En ce qui concerne la Coupe d'Afrique des vainqueurs de Coupe, même situation : le dernier vainqueur est l'Union de Douala, en 1981, soit il y a 29 ans ! Il me semble donc logique qu'on se prenne comme premier objectif
Un club camerounais remporte un trophée continental dans les trois ans.
Voyons maintenant un second indicateur : l'organisation des tournois internationaux. Abriter une compétition majeure est à la fois un signe de bonne santé et un accélérateur pour nos infrastructures sportives. Pour les compétitions de grande importance, les bénéfices dépassent le simple cadre sportif, et c'est l'économie tout entière qui est boostée, notamment les secteurs : transports, tourisme, télécommunications. Cela induit évidemment des conséquences positives pour l'emploi et pour l'image du Cameroun à l'extérieur. Or, la dernière compétition d'envergure organisée par le Cameroun, c'est la Coupe d'Afrique des Nations de ... 1972. Autrement dit, un Camerounais âgé aujourd'hui de 37 ans n'a jamais connu une CAN dans son pays. Pendant la même période, l'Egypte a abrité trois fois la compétition, le Ghana et le Nigeria deux fois. L'édition 2012 se déroule au Gabon et en Guinée Equatoriale, et en 2013 nous serons en Lybie. Les candidats pour 2015 sont connus : il s'agit du Maroc, de la RDC et de la Guinée. Aucune trace du Cameroun. Il me semble donc que l'objectif minimal que l'on puisse se fixer, c'est
Une candidature du Cameroun pour l'organisation de la CAN 2017.
Je sais qu'une grande partie de la maîtrise de ce type de projets ne relève pas de vos attributions. Cependant, j'escompte que vous pèserez de toute votre influence pour que la FECAFOOT nous offre ce beau cadeau. C'est à ce prix que le Cameroun tiendra son rang parmi les grandes puissances africaines du football. Il y a en revanche un domaine qui vous échoit entièrement : la montée en compétence de nos entraîneurs. Vous avez été, comme plusieurs de nos compatriotes, dûment formé et diplômé dans les meilleures centres d'où sortent les grands entraîneurs de football. Vous êtes donc bien placé pour savoir qu'il s'agit d'un métier à part entière, qui exige des qualifications et des compétences bien définies. Notre pays dispose de tous les atouts, en termes de ressources humaines, pour former des entraîneurs pour nos clubs. Le professionnalisme doit commencer par là. La qualité de notre championnat dépend aussi de cela. En outre, en prenant en compte plusieurs autres paramètres, c'est l'une des conditions pour que nous ayons, au départ de Javier Clemente,
Un camerounais comme sélectionneur national.
Vous remarquerez que je ne me suis pas mêlé des méthodes ni des processus, n'étant pas un spécialiste. Simplement, j'aimerais voir se réaliser ces trois objectifs, et il me semble que nous sommes capables d'y arriver. En tout cas, c'est la condition pour que le football camerounais sorte enfin du marasme dans lequel il est plongé depuis trente ans, nonobstant l'arbre qui cache la forêt, j'ai nommé les exploits de notre équipe nationale, qui l'est de moins en moins. Et pour cause.
Salutations distinguées.