Mon avis est qu'il est sans doute davantage accessible aux personnes qui connaissent la culture thaïlandaise, les coutumes et l'histoire de ce pays. Je me suis souvenue du formidable livre de Karen Connelly, la Cage aux lézards, chez Buchet-Chastel. J'avais appris combien l'animal est sacré en Orient. J'avais aussi retenu le pouvoir de la méditation. Cela m'a aidé à, je ne dirai pas comprendre, mais du moins "regarder" le film.
J'y ai vu ce qui est à la limite du visible. D'abord parce que les scènes sont très souvent capturées dans la pénombre. Ensuite parce que cette manière de procéder introduit métaphoriquement le concept de fantôme.
J'ai entendu des insectes assourdissants. La bande son pourrait être exaspérante. Elle surprend par la quasi absence de musique.
J'ai compris que les vivants ont un tel respect pour les morts que la frontière entre eux est ténue.
J'ai pensé au Testament d'Orphée (1959) de Jean Cocteau où personne ne s'étonnait de voir jean Marais traverser les miroirs. La différence est que les fantômes sont ici en 3 D et palpable comme vous et moi. Évidemment puisqu'ils sont interprétés par ce vrais acteurs pourrait nous dire le réalisateur.
J'ai songé à la très belle Balade de Narayama où là aussi il s'agissait d'accompagner un mourant. A défaut de finir ses jours en haut d'une montagne Boonmee descend dans une grotte.
Des indices culturels émaillent le film. Il est question de karma ; des petites querelles qui pointent entre laotiens et thai ; d'apiculture et de princesse ...
Il me semble que la dimension politique est essentielle. La culpabilité d'avoir tué pendant la guerre des "frères" rouges (communistes) est très forte. La parole de sa belle-sœur, qui voudrait le rassurer avec un "tout dépend de l'intention qu'on y met" n'éloigne pas les souvenirs. Ils restent vifs, lancinants, suffisamment violents à eux seuls pour provoquer des visions. Comme celle-ci (photo ci-dessus) d'une femme soldat tenant un homme-singe en laisse, tête volontairement "coupé" par le cadrage du cinéaste.
Et je ne vois pas en quoi ceux qui croient leurs rêves possibles seraient moins crédules que ceux qui ne mettent pas en doute les visions d'Apichatpong Weerasethakul ... Ce n'est guère rationnel peut-être, sauf si on accepte de n'avoir en commun que l'apiculture et le téléphone portable.
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