Quatrième de couverture : "Rousseau fouillant dans la bibliothèque de sa mère, Emma Bovary soupirant à la lecture de Paul et Virginie, la Petite Tailleuse chinoise et ses compagnons sauvés de l'enfer par Balzac, Nathalie Sarraute dévorant Rocambole, Montag, le pompier prêt à tout pour sauver les livres... Que de héros dont la vie a été bouleversée par la lecture de quelques pages !"
Avis d'Antigone : J'ai ressenti quelques désapointements à parcourir ce petit livre : trop d'extraits déjà connus sans doute, et une impression étrange de passer du coq à l'âne, d'un style à l'autre, sans liens. Et pourtant, ce recueil est bien interessant, car il met en lumière cet étrange phénomène qu'est la naissance du plaisir de lire. Chaque lecteur se retrouvera dans une ligne, une phrase, un sentiment, au détour d'une page. Mon bonheur personnel a tout de même été de retrouver, par exemple, ce souvenir de lecture, ce personnage de Montag, dans cet extrait de Farenheit 451, roman d'anticipation qui se déroule dans un monde où l'on brûle les livres...
Extrait : Daniel Pennac, Comme un roman
"Peu d'objets éveillent, comme le livre, le sentiment d'absolue propriété. Tombés entre nos mains, les livres deviennent nos esclaves - esclaves, oui, car de matière vivante, mais esclaves que nul ne songerait à affranchir, car de feuilles mortes. Comme tels, ils subissent les pires traitements, fruits des plus folles amours ou d'affreuses fureurs. Et que je te corne les pages (oh ! quelle blessure, chaque fois, cette vision de la page cornée ! "mais c'est pour savoir où j'en suiiiiiiiis !") et que je te pose ma tasse de café sur la couverture, ces auréoles, ces reliefs de tartine, ces taches d'huile solaire... et que je te laisse un peu partout l'empreinte de mon pouce, celui qui bourre ma pipe pendant que je lis... et cette Pléiade séchant piteusement sur le radiateur après être tombée dans ton bain ("ton bain, ma chérie, mais mon Swift !")... et ces marges griffonnées de commentaires heureusement illisibles, ces paragraphes nimbés de marqueurs fluorescents... ce bouquin définitivement infirme pour être resté une semaine entière ouvert sur la tranche, cet autre prétendument protégé par une immonde couverture de plastique transparent à reflets pétroléens... ce lit disparaissant sous une banquise de livres éparpillés comme des oiseaux morts... cette pile de Folio abandonnés à la moisissure du grenier... ces malheureux livres d'enfance que plus personne ne lit, exilés dans une maison de campagne où plus personne ne va... et tous ces autres sur les quais, bradés aux revendeurs d'esclaves...
Tout, nous faisons tout subir aux livres. Mais c'est la façon dont les autres les malmènent qui seule nous chagrine..."
La lecture de Bellesahi