Pas besoin d’avoir pondu une thèse sur le manque de jugeote occasionnel des distributeurs français lorsqu’il s’agit de choisir le titre d’un film étranger pour notre territoire pour comprendre à quel point American Trip, le titre gaulois est nul. Ca sent le réchauffé de tant de comédies récentes que les recenser serait sans intérêt. En même temps je suis le premier à avouer que le titre original Get him to the Greek n’était pas le plus facile à adapter. « Amène-le au Greek », ça sonnerait sûrement bizarre aux oreilles d’un spectateur français. J’imagine les mecs chez Universal. « De toute façon ça va être une sortie plus ou moins technique, on va pas se faire chier on va mettre « American » vu que ça se passe aux Etats-Unis, et on n’a qu’à lui coller « Trip » avec, les mecs se baladent pas mal et ça rappellera Very Bad Trip ». Emballez, c’est pesé !
Universal France a eu beau saloper le titre et la sortie de Get him to the Greek, leur chance est tout de même qu’ils avaient entre les mains une comédie en or. Ce qui fait du bien, quelques jours seulement après deux comédies yankees mineures dont on était en droit d’attendre plus. Une famille très moderne et Be Bad ! avaient meilleure allure sur le papier que ce qu’il ont finalement offert. La première, un peu trop facile et se complaisant dans les clichés sur le dernier acte, malgré quelques beaux moments d’humour et une interprétation impeccable de Jason Bateman. La seconde, parcourue de gags irrésistibles pendant une heure avant de s’effondrer pour cause de trop plein et de manque de concentration, malgré le double rôle de Michael Cera (décidément, la distribution de « Arrested Development » a le vent en poupe !).
La troisième comédie de la semaine se devait donc de rattraper ces déceptions. En même temps, avec Judd Apatow à la production et un spin-off de Sans Sarah rien ne va ! comme point de départ, American Trip partait sur de bonnes bases. Des bases confirmées et transcendées par un humour ravageur laissant rarement une minute de répit. Non, ce n’est même pas « rarement », le terme exact est « jamais ». De la première à la dernière minute du film de Nicholas Stoller (qui avait déjà réalisé Sans Sarah rien ne va), j’ai ri trois fois plus fort que devant tous les autres films vus en 2010.
Si je voulais décrire chaque scène drôle du film, il me faudrait 1h45, car le film en est littéralement plein. Le tempo comique du film est phénoménal, et si j’osais je dirais qu’à ce niveau-là, American Trip pourrait bien se classer dans les comédies les plus hilarantes du cinéma américain, tant l’abattage humoristique est sans limite. A ce titre, il faut bien reconnaître que les films produits par Apatow sont plus frénétiques que ceux réalisés par ses soins, dans lesquels le réalisateur s’attache à s’écarter de l’humour à tout prix (malheureusement parfois un peu trop au profit du puritanisme). American Trip n’évite pas pour autant un désir évident de faire retomber un peu l’atmosphère largement transgressive de l’œuvre pour retrouver un semblant de bienséance du style « La drogue c’est pas bien ! L’infidélité c’est pas bien ! Le ménage à trois c’est pas bien ! Le respect de l’autre et la vie à deux c’est mieux ! ». Le discours n’est pas non plus assommant heureusement, il traverse juste le dernier acte sans nous priver de l’humour décapent jusqu’à la dernière minute.
Russell Brand (le mec de Katy Perry à la ville !), déjà irrésistible en Aldous Snow dans Sans Sarah rien ne va !, confirme tout son talent dans le même rôle. Jonah Hill, qui incarne ici Aaron Green, jeune employé d’une maison de disque californienne chargé d’escorter Snow de Londres à Los Angeles via New York pour un concert géant au Greek Theater qui donne son titre au film en VO, trouve son meilleur rôle depuis SuperGrave. Les deux comédiens ont une alchimie comique qui suinte de l’écran. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils ne font pas pour autant d’ombre à Sean Combs, alias P. Diddy, alias Puff Daddy, qui révèle un étonnant talent et arrache lui aussi de nombreux fous rires en patrons de maison de disque poussant son poulain à répondre positivement à toutes les demandes de la star.
C’est bon, on tient la comédie de l’année, hystériquement drôle et après tout éducative. Par exemple, vous saviez, vous, que caresser les poils d’un mur calmait quand on avait pris un Jeffrey, même si ça ne vaut pas une injection d’adrénaline ? Vous ne comprenez pas ? Allez, foncez-voir American Trip, mais n’oubliez pas les mouchoirs pour les pleurs (de rire).