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Mardi 8 juin 2010. La mise en route des répétitions est de plus en plus problématique. Lorsque nous arrivons dans la première division pour récupérer notre équipe, subitement la division est bloquée, et l’on nous demande même de sortir. Une tension règne dans les couloirs. Puis nous voyons nos gars, arriver, ils sont enfermés dans une salle d’attente, on nous éloigne à nouveau, blocage général, et par les grilles du couloir central, nous voyons passer trois surveillants harnachés en Robocop, avec casques, épaulettes et genouillères, gilets pare balle, bouclier, ils traversent la division. Puis un bon moment plus tard, ils repassent, et l’attente se poursuit. On apprend qu’un détenu interné le jour même avait fait une crise violente, s’était jeté contre le mur, blessé, qu’il fallait le maîtriser. Bref, dans ces cas-là, la prison se bloque, les activités sont suspendues, et ce n’est qu’une heure plus tard que nous pouvons démarrer les répétitions. Nous obtenons de surveillants compréhensifs qu’on prolonge un peu l’atelier. Il nous manque deux personnes, l’un est en commission de révisions des peines, l’autre Mostepha, dans l’agitation générale, n’a pas été récupéré par Romain. Alors, nous devons faire des remplacements, encore une perte de temps. C’est la première, et avant dernière répétition dans le décor. Les gars sont motivés comme ils le disent, « à fond dedans », ils admirent la voix de Jeanne «, elle assure ! », ils sont plongés dans la travail avec un grand sérieux. Djamela a appelé les familles pour les inviter au spectacle à Ivry : hélas, beaucoup n’ont pas de famille à proximité. Certaines feront un long périple pour voir la représentation, 300 kilomètres. La compagne de Cédric a annoncé qu’elle passera l’après midi mais avec son bébé devra partir sans assister au spectacle . Nous ne lui dirons pas, il est très fragile, cela risque de le démobiliser. Lorsque nous abordons dans la répétition la scène ou les immigrés sans papiers sont arretés par la police, lorsque j’annonce la fouille au corps, d’instinct ils lèvent les bras… Puis Jeanne dit le texte des flics « sale rebeu, retourne chez toi » , « auvergnat, met ta casquette à l’endroit », et autres gentillesses, nos Padox nous demandent de modifier le texte, pensant que cela sera mal perçu dans la Prison. Aimé emporte le texte de Jeanne, il va le corriger. Nous voilà en pleine auto-censure. Jeanne espérait recueillir des expression vécues par eux, au contraire ils vont édulcorer le vocabulaire. Dernière répétition jeudi. Pourvu que nous ne subissions pas de tels retards, notre atelier a, depuis le début, été considérablement écourté.Dominique HoudartCie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin12, rue Vauvenargues75018 PARISTél 01 42 81 09 28 GSM 06 11 87 62 77Siret : 353 180 813 00035APE 923 ALicence cat 3 n 15816