En direct de Perpignan : Visa pour l’image. La persévérance des sans-abri

Par Memoiredeurope @echternach

Le thème est d’actualité. En France ! Mais on pourrait dire aussi bien : partout dans le monde. Là où les villes écrasent immédiatement ceux qui ne sont pas insérés dans un réseau qui les protège, ceux qui sont en transit entre deux destinations ou bien encore ceux qui vivent dans une société où ils ne peuvent trouver, psychologiquement, matériellement ou tout simplement du fait des écarts de civilisation, aucune place sociale. La fragilité sociale est mortelle !

L’actualité est française. Et si les projecteurs sont venus balayer en même temps que les bennes à ordure, les camps de Roms de Roumanie et de Bulgarie, ce n’est pas une nouvelle en soi. C’est juste une manière de concevoir l’information politique qui s’intitule - tout simplement : la recherche des boucs émissaires. Le maire de Rome et le gouvernement italien ont acquis une grande compétence dans ce domaine depuis plusieurs années. Quelques responsables politiques français ont repris, sans y changer grand chose, un scénario qui leur convenait : l’aménagement d’un espace théâtral permettant une mise en scène de la menace que nous suggère tout naturellement la misère quotidienne venue d’ailleurs.

L’actualité n’en est donc pas une. Les sans-abri constituent des invariants. Mêmes types de refuge, partout. Même allure égarée. Seules la peau et la nature des souvenirs groupés autour d’eux changent de couleurs et d’allure. Quand ils ont encore des souvenirs !

Des images de sans-abri, le Festival de Perpignan en présente une grande quantité. Et de toutes sortes. Mais le travail effectué par Andrea Star Reese à New York est certainement le plus touchant. Le mot est d’ailleurs plein d’équivoque. Avons nous vraiment envie d’être touchés par la crasse, la marge, les effets de l’alcool ou de la drogue ? A distance peut-être. Mais pourtant à Perpignan, les clochards sont aussi physiquement présents. Près de nous. Les jeunes migrants en recherche de rues ensoleillées, allongés sous les porches sont nombreux. La police les veille, entre contrôle strict et amitié quotidienne. 

Les photos sortent donc des murs, ou la rue entre dans les caméras. C’est selon !

« Lancé en 2007, le projet « The Urban Cave » (intitulé en français, « Dans la pénombre des villes ») couvre la vie de ces hommes et femmes qui vivent à New York dans des campements de fortune malgré les efforts de la municipalité pour les expulser. C’est l’histoire de la résistance et de l’humanité de ceux qui vivent en marge de la société. C’est l’histoire, non pas d’un dénuement, mais d’un groupe d’individus, de leurs vies. Au fond d’une impasse, sous l’ombre d’un pont, dans un bâtiment délabré, ou le long des murs d’un tunnel ferroviaire, ces photographies dévoilent la beauté d’un lieu, de personnes, et sont le témoin de la dignité, de la détermination et de la persévérance des sans-abri. »

Voilà ce que dit le catalogue. Beauté, vraiment ?Il y a bien entendu toujours une dimension esthétique que le photographe introduit, même s’il ne fait que rapporter. Mais ici, la dimension esthétique est aussi une forme d’hommage à des compagnons d’un moment. Pas à monsieur X, mais à un groupe d’individus précis, suivis sur des mois. Ils se nomment Lisa et Chuck et attendent un enfant, Country et Snow White quand ils n’avouent pas même leur prénom ou bien encore Willy Colon, ce visage entre aperçu, enfoui sous ses cartons.

Leurs noms mêmes nous semblent universels, tant nous superposons leurs visages et leurs habits, leur nudité aussi, à ceux de milliers d’autres que nous avons fui ou que nous avons aidé, nous comportant de manière désordonnée, selon les variations de l’intensité de notre peur à les affronter. Selon l’effroi qui nous vient à nous regarder dans leurs yeux; aussi fragiles qu’eux, un jour, peut-être.  

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