Après une audience qui a tourné au procès de la loi Hadopi, au delà du simple vice de procédure soulevé par l'opérateur FDN, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il rendrait sa décision de suspendre ou non l'exécution des décrets attaqués mercredi prochain.
Comme nous l'indiquions ce midi, c'est à 17 heures ce mercredi que le Conseil d'Etat tenait audience du recours exercé par le fournisseur d'accès associatif FDN contre deux décrets d'application de la loi Hadopi. Il était surtout reproché au gouvernement de ne pas avoir pris avis de l'Arcep, alors que la loi impose cet avis pour tous les décrets relatifs aux opérateurs de télécommunication.
Grâce aux notes tweetées par @Turblog, nous avons pu suivre en direct l'audience de FDN au Conseil d'Etat, dont le verdict pourrait suspendre la riposte graduée.
Appelé le premier à s'exprimer, le Président de FDN Benjamin Bayart a profité de son intervention pour énoncer les principales critiques adressées à la loi Hadopi, au delà du vice de procédure soulevé dans son recours. Il a ainsi dit toute la difficulté de démontrer le manque de sécurisation sans renverser la charge de la preuve, et rappelé qu'à ce jour il n'y avait toujours aucun moyen de sécurisation labellisé par l'Hadopi.
L'essentiel des discussions a néanmoins porté sur le coût de mise en oeuvre de l'Hadopi pour le FAI. Car il fallait démontrer que l'absence de consultation de l'Arcep, qui aurait pu informer le gouvernement sur les charges que fait porter la loi sur les opérateurs, cause un préjudice au fournisseur d'accès. Le vice de procédure seul n'est pas suffisant, encore faut-il qu'il ait une incidence suffisamment grave pour justifier de la suspension du décret.
En réponse, le ministère de la Culture a d'abord indiqué que la loi n'aurait aucun impact pour FDN si ses abonnés ne piratent pas, ce qui à peu le degré zéro de l'argumentation. Il a ensuite invité l'opérateur associatif à créer une interconnection informatisée avec l'Hadopi, pour réduire les coûts d'identification des abonnés en évitant des traitements manuels. Par ailleurs, faute d'évaluation financière présentée par FDN, le ministère a contesté le caractère d'urgence financière de la demande de suspension de la riposte graduée.
Sur la question principale du vice de procédure, la rue de Valois a plaidé que le fait que le décret s'applique aux opérateurs n'emporte pas l'obligation de consulter l'ARCEP. La loi sur les télécommunications donne en effet obligation de consulter l'Arcep pour les textes réglementaires "relatifs au secteur des communications électroniques", ce qui crée une légère ambiguïté. Il assure que nombre de décrets touchant aux opérateurs n'ont pas donné lieu à consultation de l'Arcep. Mais l'argument semble léger tant l'ensemble de la loi et du décret attaqué vise clairement les opérateurs, et s'adresse à eux.
De son côté, le ministère de la Justice, qui est très peu intervenu, a contesté la représentativité de FDN, en rappelant que l'association d'une centaine d'adhérents n'est pas jointe à l'action par les principaux FAI et leurs millions de clients. Comme si "les petits" n'avaient pas le droit de défendre leurs droits.
Une discussion de fond, sur la nature juridique des e-mails, a par ailleurs eu lieu. Le ministère de la Culture défendant l'idée qu'il s'agit de simples "rappels à la loi" sans incidence pénale, tandis que FDN estime qu'ils sont partie intégrante de la procédure pénale dès lors que la négligence caractérisée n'est constituée qu'à la condition qu'au moins un avertissement fut envoyé. La discussion n'est pas neutre, dès lors que la circulaire adressée aux procureurs les invite à ne pas enquêter sur la matérialité des faits reprochés.
Verdict dans une semaine, le mercredi 15 septembre. Il serait de très mauvais goût que les premiers e-mails partent d'ici là.
Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com