Magazine Amérique latine
L’interminable attente autour des 33 mineurs
Publié le 22 août 2010 par Anthony Quindroit @chilietcarnets
Les images du message des "33" a rapidement fait le tour des médias, comme ici cette image extraite d'un flash de CNN et diffusée sur Twitter
Ce n’est qu’un simple contact. Quelques mots écrits à la hâte sur une feuille. Mais ils redonnent de l’espoir à tout un pays. Depuis le 5 août dernier, trente-trois mineurs sont bloqués à 700 mètres de profondeur dans la mine de San José au nord-ouest de Copiapó (Région d’Atacama, III).
Le drame s’est joué dans la petite mine d’or et de cuivre – le Chili demeure le premier producteur mondial de cuivre – après qu’un éboulement survenu à -300 mètres ait bloqué l’accès vers l’air libre. Les premières missions de sauvetage ont tourné court : d’autres éboulements ont suivi et le pays n’était pas équipé pour un tel désastre. Le président Sebastián Piñera a d’ailleurs dû faire appel à l’aide internationale pour bénéficier des moyens logistiques nécessaires et tenter de rallier le refuge que sont censés avoir rejoint les victimes. Les Etats-Unis et le Canada ont fait parvenir du matériel. Mais, même avec une technologie plus avancée, la mission de sauvetage n’est pas encore gagnée.
Ce dimanche 22 août, l’heure est tout de même aux sourires. Un contact concret avec les mineurs bloqués a enfin pu être établi. Un message indiquant que les 33 sont en vie a pu être transmis aux sauveteurs même si, pour l’instant, il est encore impossible de les extraire.
Dernière minute : à 17h57 (heure locale, soit 23h57 en France), les équipes de sauvetage auraient réussi à établir un contact visuel avec les mineurs bloqués. Les lampes des victimes auraient été aperçues.
Au Chili, l’annonce s’est répandue à vitesse grand V sur les réseaux sociaux et dans les médias. Tout un pays retient son souffle depuis le drame. Surtout, il cherche un coupable. L’entreprise San Esteban, qui exploite la mine, a le profil idéal. Déjà, les journaux évoquent – sans réels fondements – de possibles corruptions pour fermer les yeux après des déboires passés. La mine a en effet été fermée en 2007 après le décès de l’un des employés. Sa réouverture partielle puis totale (le 30 mai 2008) est aujourd’hui vivement critiquée. La direction a bien tenté de se défendre par la voix d’Alejandro Bohn, l’un des responsables de San Esteban. Notamment quand il s’agit d’évoquer l’imprécision des plans dont disposent les secours : « Nos cartes sont réalisées par notre département topographie, a-t-il expliqué sur la chaîne de télévision TVN. Bien sûr, elles devraient être à jour (…) mais il y a énormément de failles géologiques. Et concernant la réouverture de la mine, il n’y a jamais eu de corruption. »
Pas de quoi calmer la foule. Ce week-end encore, El Mercurio s’est fendu d’un article d’une demi-page pour rappeler tous les accidents répertoriés sur la mine de San José depuis… 1992 ! Le dernier date du 3 juillet 2010 : un mineur a perdu une jambe lors d’un accident. La mine a été fermée pendant environ une semaine et le directeur régional du Service de géologie et des mines (Sernageomin) a été limogé dans la foulée sur ordre du Président pour n’avoir pas donné toutes les informations aux autorités compétentes.
Cette fois encore, des têtes sont tombées. Trois hauts responsables, dont les directeurs national et régional de la mine, ont été renvoyés. Une refonte de la Sernagomin est aussi annoncée. Pas suffisant pour les anciens mineurs et les syndicats qui continuent de dénoncer des conditions de sécurité trop sommaires.
Même si les nouvelles sont encourageantes, il est clair que le drame va provoquer d’importants changements dans l’une des entreprises les plus puissantes du Chili. A suivre…