Aujourd’hui, petits et grands, au Grand Cirque Maxime Picpoquêt, vous allez assister en exclusivité à deux magnifiques numéros : un extraordinaire spectacle de gymnastique financière de haute voltige et avec d’authentiques galipettes sans filet, qui sera suivi de la représentation à la fois théâtrale et mystificatrice de la troupe de grands prestidigitateurs de l’Union des Magiciens Pipeauteurs. Cette revue exceptionnelle sera, bien entendue, payante, et la facture vous sera présentée à la fin (montant surprise), et pour plusieurs générations ! Musique maestro !
Et pour le premier spectacle nous commencerons donc par les Gymnastes de l’Union-E. En collant brillant et couvert de paillettes, José-Manuel, leur président, s’avance et va réaliser devant vous une Nouveauté Budgétaire, dont quelques économistes avertis s’accordent à dire qu’elle est généralement fatale sur le long terme, bien que très bénéfique sur le court terme pour les personnes qui la mettent en place.
Avant de terminer par le clou du spectacle, la petite troupe chamarrée et rutilante sous les spots lumineux de la piste enchaîne plusieurs figures de style, certes assez traditionnelles, mais néanmoins bien exécutées et attendues par tous ; leur absence aurait fait tâche bien que chacun sait qu’il ne s’agit que d’un exercice parfaitement courant, presque banal, et quasiment sans dangers pour les professionnels.
(Note aux plus jeunes lecteurs : ne faites pas ça chez vous, vous risqueriez des contrôles fiscaux graves.)
On voit nettement le Combat Contre La Crise suivre la Gouvernance Économique, la sacro-sainte Relance de La Croissance via un double pontage keynésien inefficace mais très souple, et quelques petits entrechats sur la Liberté, la Justice et la Sécurité.
Soudain, la piste se fait plus lumineuse.
Roulement de tambours. La tension est à son comble. La troupe se met en place, les muscles se bandent, les doigts craquent et les regards se font crispés, fixes et concentrés. Ça y est, la manœuvre commence : il s’agira de proposer la mise en place d’emprunts obligataires au niveau européen !
Eh oui : maintenant, petits et grands, devant vos yeux ébahis, l’Europe, qui pour le moment avait réussi l’exploit de présenter des budgets certes pachydermiques mais toujours à l’équilibre, va maintenant effectuer une magnifique pirouette financière doublée d’un double salto arrière-carpé se terminant par une magnifique … Création de Dette !
Les applaudissements du public sont à tout rompre, le chapiteau vibre de la joie des enfants émerveillés devant la pirouette fatale, les parents, ravis de voir leur progéniture s’égayer si simplement, manifestent bruyamment leur contentement : non seulement, le spectacle est magnifique, l’issue dramatique, mais en plus, c’est avec leurs sous ! Youpi ! Joie, bonheur sans fin d’être associé à une future catastrophe ! La rigueur, c’est pour le quidam qui ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne ! Youpi ! Pour les politiciens, l’argent est toujours nécessaire quand c’est celui des autres, et déjà dépensé tant que ce n’est pas eux qui le gagnent ! Youpi !
La fin du numéro a été ponctuée d’un festival de musique et de paillettes miroitantes et scintillantes qui retombent en pluie légère et tourbillonnante sur la foule béate et heureuse. Et alors que les strass n’ont pas même atteint le sol, le numéro suivant se met en place.
Cette fois-ci, l’Union des Magiciens Pipeauteurs a préparé un numéro assez salé à un peu plus de 2.000.000 d’euros.
Ici, l’idée est de faire transvaser de vastes quantités de liquide depuis la poche des contribuables vers l’état, en contrepartie de pas de service, de non-travail, de plusieurs caisses d’absence de scrupules et, comme pour toute livraison au delà de deux millions, un grand sourire moqueur des élus de droite et de gauche.
Attention petits et grands, cela va aller très vite : la main est plus rapide que l’œil, rien dans la droite, rien dans la gauche, hop, hop, hop, zip et zoup, il y avait de l’argent ici, il n’y en a plus, et personne n’a rien vu, tout le monde est content, la justice sifflote et les journalistes n’analysent pas.
La foule de spectateurs attentifs est ébahie. Elle n’a rien vu.
Pourtant, c’est très simple. Le ralenti permet d’apprécier toute la rapidité et la finesse du geste technique.
Dans un premier temps, le maître de l’Union des Magiciens Pipeauteur, Jacques, utilise l’argent des contribuables de la Ville de Paris pour rémunérer des collaborateurs qui, en substance et les jours fastes, se curent le nez au frais de la princesse. Le contribuable en est pour ses frais.
Dans un second temps, l’œil de la foule ébahie choppe la manœuvre et se dit que taratata mon gaillard, ça ne va pas se passer comme ça, pif paf procès.
Et là, dans un troisième temps (observez bien la main droite qui remplit rapidement la main gauche de ce qu’elle avait subtilisé auparavant dans un mouvement d’une dextérité assez remarquable), alors que Jacques aurait du lui-même remettre tout d’équerre, c’est toute la troupe qui agit pour rembourser les fonds.
Évidemment, comme l’œil des spectateurs est encore rivé sur Jacques, il ne voit pas que ce sont ses hommes de main qui agissent rapidement : et pan, les contribuables, qui remboursent les frais de l’UMP grâce aux lois votées par les hommes de troupe du parti et ceux d’en face (tous aussi crapules et intéressés dans la manip’), remettent la main à la poche pour aider Jacques à équilibrer le vol la « transaction ».
Eh oui : l’UMP (remboursé des frais de campagne par l’état, donc le contribuable, et utilisant aussi le bon argent frais de ses pigeons adhérents) rembourse la ville de Paris pour l’argent que cette dernière a payé (au frais du contribuable) dans les emplois fictifs. Avec les intérêts en plus des dommages, ça veut donc dire que le contribuable s’est fait refaire les parties basses à deux reprises façon grands travaux.
Si, de surcroît, l’on tient compte du numéro d’équilibriste du clown triste Baroin, un peu désemparé mais farouchement placé sur la trajectoire imposée d’une catastrophe budgétaire pourtant prévisible, et des remarques à peine voilées qu’il a formulées récemment, on aboutit à une situation où le Plus d’Impôts deviendra l’évidence lumineuse de 2012.
Le spectacle est fini. Le cirque se vide. Les baraques à merguez et à frites, installées autour du chapiteau ferment lentement, pendant que leurs patrons Cindy, Calixte et Coco d’Enfer, se frottent les mains pour les bonnes affaires qu’ils ont réalisé dans la journée en plumant leurs clients.
La prochaine représentation, prévue dans une vingtaine de mois, promet d’être flamboyante.
S’il reste un chapiteau, bien sûr.