Armes de communication politique puissantes, les sondages sont continuellement remis en cause par ceux qui ne retrouvent pas dans leurs résultats les tendances qui leur seraient favorables. Nous en avons eu un nouvel exemple cet été, au sujet de la campagne gouvernementale de démantèlement de camps de Roms et de la proposition de déchéance de nationalité pour les polygames et les meurtriers de représentants de l’ordre public.
Alors que sur ces deux sujets une très large majorité des politiques et des observateurs sont rapidement montés au créneau en dénonçant une politique indigne du pays des Droits de l’Homme, contraire aux valeurs et à l’opinion des citoyens, beaucoup ont été particulièrement surpris par des résultats de sondages mettant en évidence une opinion publique plutôt favorable à l’action du gouvernement. A partir de là, évidemment, les politiques et observateurs ne pouvant se tromper, pas de doute, l’erreur était forcément du côté des sondages. Et comme les résultats étaient favorables au gouvernement, encore moins de doute, les sondages étaient truqués, faussés, manipulés, sur ordre de l’Elysée, bien entendu !
A vrai dire pas besoin pourtant d’aller chercher dans des instructions élyséennes des résultats qui peuvent sembler surprenants pour la quasi-totalité des observateurs. Ceux-ci vivent en effet dans un contexte politique et social fortement biaisé en terme d’opinion (à ce sujet je vous renvoie sur l’article Paris ou l’opinion capitale). Il existe ainsi des divergences très marquées notamment sur les questions de sécurité et de justice entre Paris, les grandes villes de province comme Lyon et Marseille, et le reste de notre pays. Or, les grandes rédactions se situant pour leur très grande majorité à Paris et pour quelques-unes d’entre elles dans les grandes villes de province, le fossé est immense entre ce qu’entendent directement les commentateurs de la vie politique et les citoyens. J’en veux pour preuve un blog lu par hasard qui indiquait que « autour de nous(que l’on soit à Mon Caprice (NDLR : à la Réunion)ou Montmartre) […] les gens ne paraissent pas « penser pareil », et […] sur tel sujet leur opinion semble diverger de ce que le sondage annonce. »
Et comme tout s’explique, il semble que, d’après une opinion largement partagée par ceux qui doutent des résultats des sondages, de nombreuses raisons méthodologiques (résultants d’après eux de choix volontairement fait par les instituts de sondages sur ordre de l’Elysée pour induire en erreur tous les naïfs qui croient aux résultats) expliquent ces résultats étonnants : les sondages sur Internet ne sont pas fiables, les échantillons de 1000 individus ne peuvent pas être représentatifs de 60 millions de Français, les questions orientent les répondants sur les réponses souhaitées, les marges d’erreur ne sont pas prises en compte, les redressements (NDLR : méthode utilisée pour rendre l’échantillon interrogé représentatif d’une population donnée) sont fait avec statistiques erronées, etc. Et ma préférée, lue sur le même blog que le commentaire ci-dessus : les instituts de sondages ne font généralement pas d’enquêtes pendant les vacances, car cela biaise les réponses.
Plus sérieusement, on peut tout à fait légitimement exprimer des doutes sur certains sondages publiés, non pas car ils seraient manipulés, mais simplement car le sujet dont il traite, l’opinion publique, est un corps mouvant, difficilement palpable et relativement complexe à appréhender dans ses réactions. Principalement, la rédaction des questions est un véritable sujet méthodologique, car un mot ajouté ou supprimé d’une question peut changer radicalement le résultat obtenu pour des questionnements qui semblent les mêmes. Ainsi une question « Dieu existe-t-il ? » donnera certainement des résultats très différents d’une question « Croyez-vous en l’existence de Dieu ? », la deuxième proposition sous-tendant en effet que Dieu existe quelque soit l’avis de l’interviewé. Et il s’agit là pourtant de deux questions extrêmement simples. Dès lors que l’on aborde des sujets demandant une rédaction plus complexe, il convient donc de regarder avec une extrême rigueur la manière dont est posée la question pour savoir exactement ce à quoi ont répondu les personnes interrogées. Car une chose est sûre, ils n’ont répondu qu’à la question qui leur était posée, et c’est souvent là que se trouve la cause des plus grandes surprises dans les résultats d’enquêtes.