Le Gouvernement, une fois n’est pas coutume, fait mentir les cercles bobo-parisiens qui l’accusent d’autisme sur les questions sociales. Au contraire, il est à l’écoute, en premier lieu de la Vraie société française. Aussi, le nouveau projet de loi portant réforme des régimes de retraite devrait prendre en compte la question de la pénibilité.
Si l’opposition s’amuse à mettre l’accent sur les différences d’espérance de vie qui subsistent entre catégories socioprofessionnelles, elle oublie qu’à 62 ans, si l’on est encore garçon de café ou tourneur-fraiseur, on a vraiment raté sa vie et on devient franchement pénible. A se demander quel est l’intérêt d’attendre la retraite pour décéder : mieux vaut trépasser à son poste de travail, au service de la ri-lance, plutôt que de ruminer son échec existentiel devant Derrick.
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La retraite, vite. Très vite. Très très vite.
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Les premiers à pâtir de cette situation sont les patrons et les cadres, frappés de plein fouet par la pénibilité du salarié. « Après 30 ans de boîte du salarié, on est vidés, brisés, lessivés, on n’en peut plus », se confie François W., délégué du personnel MEDEF chez Bitex, 12 salariés de plus de 25 ans d’ancienneté.
En fin de carrière, le salarié se croit tout permis. Il a des revendications et exerce son influence délétère sur ses collègues de travail à la machine à café. Il s’autorise à utiliser les toilettes de la direction et à uriner sur la cuvette. Aux séjours organisés par le CE, il inflige femme et progéniture à l’encadrement. A elles seules, ces familles sont une campagne de sensibilisation contre les dangers de la malbouffe ou les bénéfices de la sélection génétique, c’est selon. L’esprit Corporate est anéanti.
Dans ce contexte, on comprend que la proposition du gouvernement de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans ne fasse pas l’unanimité chez des patrons épuisés.
Il est vrai qu’au-delà de la polémique stérile dans laquelle la gauche voudrait entraîner les forces vives de la Nation, on se demande qui peut décemment supporter, pendant plusieurs décennies, de feindre l’intérêt envers des existences qui n’en ont absolument aucun.
Tout individu normalement constitué est sujet à frénésie meurtrière s’il doit entendre chaque lundi un résumé du dernier match Sochaux / Lorient. Tout directeur des Ressources Humaines est possédé d’une irrépressible envie d’autodafé de conventions collectives quand Gérard, 38 ans au service qualité, lui raconte ses derniers congés payés [1].
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Un exemple à suivre. Spiderman s’est reconverti dans le tapin avant de devenir pénible.
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D’où la nécessité de trouver le juste équilibre entre financement du régime de retraite par répartition et pénibilité du salarié.
L’Elysée et le ministère du travail s’y attèlent. Fait suffisamment remarquable pour être relevé, Nicolas Sarkozy n’a fait aucune déclaration hier, une manière comme une autre de dire aux salariés très pénibles qui ont défilé dans les rues contre le projet de réforme des retraites : « Fuck ».
Le principal levier reste toutefois la libéralisation du marché du travail. A mesure que les lignes bougent, le coup de pied invisible permet de mettre efficacement en retraite les salariés les plus pénibles dès l’âge canonique de 55 ans, à commencer par les syndicalistes.
Heureusement, il leur reste l’auto-entreprise pour trouver leur épanouissement.
Notes
[1] A noter que lorsque ledit directeur des Ressources Humaines apprend que Gérard vote UMP, comme lui, il sombre dans une profonde dépression.