Il eut été très surprenant que la manifestation contre la réforme des retraites, organisée par des syndicats en apparence unis, ne rassemble pas le grand nombre. Une démobilisation aurait été démoralisante pour eux, entretenant un climat délétère. “Il ne faut jamais désespérer Billancourt” disait il y a quelques années Georges Séguy …
Comme à l’ordinaire il y aura des chiffres discordants quant au nombre des marcheurs de la contestation, mais, à l’évidence ce nombre est élevé et peu importe quelques milliers de plus ou de moins : 1.120.000 manifestants selon la Préfecture de police, entre 2,5 millions et 3 millions selon les syndicats. La mobilisation a concerné 220 cortèges hier un peu partout en France. Il est normal que ceux à qui l’on annonce que la date de la prise de retraite est reculée ne soient pas heureux. Il faudrait être très masochiste pour s’en gausser de plaisir. “J’ai espoir que le gouvernement prenne conscience que cette réforme ne peut pas passer. On est largement plus nombreux qu’on ne l’était le 24 juin. Il ne pourra pas faire comme s’il ne s’était rien passé aujourd’hui. Si nous ne sommes pas entendus, il y aura des suites à la mobilisation, et aucune forme n’est rejetée » peut ainsi déclarer Thibault de la CGT et c’est cet espoir qui fait vivre.
C’est très bien, parce que parallèlement à ce mécontentement manifesté, nos concitoyens sont aussi très conscients qu’il est impossible de faire l’économie d’une réforme. Ils demeurent très sensibles à l’équité de l’exercice, lorgnant comme toujours sur l’effort demandé au voisin.C’est évident, le scénario est écrit depuis longtemps, d’un côté permettre aux syndicats de faire une démonstration de force, de l’autre des concessions gouvernementales prévues de longue date et dont l’annonce va pouvoir enfin se faire : évolution sur la question de la pénibilité, réajustement sur les durées des quotisations. Cet effort d’équité doit apparaître évident et ce devrait être la deuxième phase de la communication sur ce sujet tellement sensible.
Le PS, lui-même, doit se sortir de l’imbroglio de ses promesses inconsidérées, pour pouvoir mettre au rencard celle du retour à la case départ, dont il connaît parfaitement l’incohérence, il lui faut quelques évolutions sensibles. Tout dépend donc de la suite du scénario et de sa mise en scène.
On peut espérer que les différents protagonistes et acteurs de la « pièce » ont bien intégré leur rôle respectif et que les grains de sable éviteront de venir gripper des rouages ainsi bien huilés.
Hier soir c’était la partition triomphante et nécessaire des organisations syndicales, demain ce sera celle d’un gouvernement lâchant du lest. Au bout du compte la réforme des retraites sera en place, c’est heureux et c’est l’essentiel.
Il reste une interrogation quant à la relative faiblesse de la représentation des jeunes sur les pavés de la contestation. Ne se sentiraient-ils pas concernés ? Ou plus vraisemblablement ne croient-ils plus du tout à de telles formes d’expression … à ces scénari bien “huilés” ? Pour eux, la « partition » n’est sans doute pas la même, c’est plutôt celle du “walkman balladeur” à la Anelka. Ils ne croient plus à la pancarte et au micro et se défient des concerts en “live”