Ma journée de vendredi dernier fut consacrée à la remise d'un exemplaire de notre livre à chaque château qui avait accepté d'y participer. Pierre en a déjà parlé ICI, mais je vais développer plus longuement, avec entre autres des commentaires des vins dégustés.
Nous avons démarré la journée à la Lagune. Hélas, ni Caroline Frey, ni Patrick Moulin n'était là : nous avons donc remis le livre à une collaboratrice. Temps total passé : moins de 5 mn. Si nous avions eu le même timing dans chaque château, nous aurions fini à midi. Mais la journée eût été beaucoup moins sympa...
Du coup, nous sommes un peu en avance à Giscours. Cela nous permet de parler plus longtemps avec Marc Verpaalen, chargé de l'oenotourisme et des activités culturelles.
Ici, la dégustation fut celle d'un délicieux expresso, parfait pour démarrer la journée !
Non, nous ne sommes pas à Château Margaux, malgré le "piège" de l'église. Mais sur le parking de Palmer. Nous avons rendez-vous avec Thomas Duroux, et pour l'instant, nous ne sommes pas en retard sur notre planning.
Après avoir feuilleté notre livre...
Thomas Duroux nous sert deux vins ...
Alter Ego de Palmer 2009 : nez sur les fruits noirs confits, les épices. Bouche ronde, mûre, friande, avec ce qu'il faut de tonicité et de fraîcheur. Finale mâchue de bonne persistance.
Palmer 2009 : nez fin et complexe, mêlant les fruits rouges et noirs, les épices douces, le tabac. Bouche très ample, à la matière riche et soyeuse, donnant l'impression d'avoir le palais empli de taffetas se froissant et se défroissant. Somptueux. La finale est savoureuse et très longue. Y comme un air de Château Margaux 2009, dans une version plus voluptueuse.
Un saut de puce, et nous sommes à Margaux
Johanna Loubet (chargé de la communication) et Julien Boiteau (chef de culture) regardent le livre avec attention : il leur plait. Ouf ! Nous discutons du millésime 2010. Il est très prometteur, surtout si la pluie veut bien tomber la semaine suivante (et c'est ce qu'il s'est passé). Nous ne nous éternisons pas. Pour l'instant, nous sommes toujours dans les temps...
Nous traversons le village de Margaux et arrivons à Lascombes.
Dominique Befve nous y attend, et nous emmène dans la salle de dégustation. Quatre bouteilles nous attendent, toutes de 2009. Dans les trois premières, les cépages séparés. Dans la dernière, l'assemblage final.
Merlot 2009 : nez superbe, sur la mûre et les épices, mais aussi le bois précieux (cèdre, santal). Bouche ample, sphérique, à la matière moelleuse, sensuelle, l'ensemble restant équilibré toutefois. Finale aux tannins déjà bien fondus.
Cabernet Sauvignon 2009 : nez plus marqué par l'élevage en barrique. Bouche plus tendue, plus tonique, avec des tannins veloutés, s'affermissant dans la finale.
Petit Verdot 2009 : nez beaucoup plus épicé. Bouche étonnamment moelleuse, généreuse, avec toujours ces épices bien marqués. Bon équilibre général.
Lascombes 2009 : nez magnifique, exubérant, évoquant les souks orientaux. Bouche de grande ampleur, envahissant le moindre mm² de votre palais avec une matière dense, profonde, vibrante. C'est un véritable choc que je n'avais pas ressenti lors des primeurs 5 mois plus tôt. La finale est majestueuse, puissante. Un grand vin !
Allez, une p'tite pose, et on y va !
Il faut faire ensuite une quinzaine de kms pour arriver à Gruaud-Larose.
Nous voyons d'abord Philippe Carmagnac, le maître de chai...
Puis nous faisons une dégustation au chai avec David Launay, le responsable commercial. Ayant vendu à l'avance la moindre bouteille de 2009, il nous en ouvre deux du millésime 2007, qui marque l'arrivée d'Eric Boissenot aux commandes des vinifications.
Sarget 2007 : nez mêlant le cassis à des notes végétales. Bouche souple, douce et fruitée, où s'immisce crescendo une fraîcheur herbacée. Pas désagréable, mais bon...
Gruaud Larose 2007 : nez dominé par le café fraîchement torréfié. Bouche ample, douce, soyeuse (sooo Boissenot ! ) avec une petite note végétale rafraîchissante à l'approche de la finale, alors que ressurgissent massivement les notes de café et de pain grillé.
Un joli saut de puce, et nous voilà à Léoville-Barton. A ce moment-là, nous avons un quart d'heure de retard. Mais comme à chaque fois que nous voyons Anthony Barton, on se laisse séduire par le personnage, et on ne voit pas le temps passer...
Là, il se demande si la gravure n'est pas un peu fantaisiste...
Du coup, on arrive avec une demi-heure de retard à Poyferré !
Didier Cuvelier n'étant pas présent ce jour, c'est Didier Thomann, le maître de chai, qui nous reçoit, et nous fait déguster le dernier né de la maison... Je le bois tandis que Didier découvre le livre.
Léoville-Poyferré 2009 : nez avec un fruit hénaurme qui vous saute carrément à la figure. Bouche d'abord douce, presque suave, puis vous êtes emportés par une montée en puissance progressive du vin avec des tannins qui s'amplifient, se densifient. Pour arriver à un uppercut final impressionnant. Totalement différent des 2009 précédents.
Il suffit de traverser la rue pour arriver à Léoville-Las Cases...
...où nous sommes attendus avec impatience par Jacques Depoizier et Jean-François Klee. Ils regardent le livre avec beaucoup d'attention. Puis le premier remet trois bouteilles au second qui nous emmène manger au Saint-Julien (restaurant qui jouxte la propriété).
A peine arrivées, les bouteilles sont carafées et mises au frais.
Je démarre le repas avec un foie gras poêlé à la perfection, accompagné d'un Léoville Las Cases 1996 : nez sur le cassis et le cèdre, quelques notes d'humus. Bouche ample, ronde, veloutée avec une acidité bien intégrée qui tend et allonge le vin, lui donnant une pêche incroyable en finale. Je constaterai dans les vins suivants que cette acidité est une constante...
Arrivent les côtes de boeuf...
Et les vins qui vont avec...
Léoville Las Cases 1989 : nez sur des fruits plus "solaires", le tabac, avec une sensation de fraîcheur tonique. La bouche est ample, généreuse, toujours avec ce côté "solaire". Les tannins sont d'une discrétion absolue, même s'il y en a encore suffisamment pour que le vin tienne encore plusieurs décennies. Au fur et à mesure de l'aération, le vin gagne en précision, en tension, avec une acidité qui se met progressivement en place, et apporte au vin une énergie qu'il n'avait pas au départ. De généreux, le vin devient fougueux, avec d'incroyables fulgurances qui me préparent au vin suivant...
Léoville Las Cases 1986 : le nez est beaucoup plus touffu, complexe, avec une fraîcheur qui vous titille les naseaux. En bouche, c'est un véritable tsunami sensuel, avec vraiment l'impression d'une immense vague qui emporte tout sur son passage, énergisante, rafraîchissante, jubilatoire. Et la finale n'a rien à lui envier, d'une rectitude impressionnante, magistrale. Probablement le plus grand vin rouge bu de mon existence.
Sauf que... nous n'avons pas vu le temps passer : nous avons une heure et demi de retard sur le programme initial... Pierre passe quelques coups de fil pour prévenir. Jean-Michel Comme de Pontet Canet nous propose de passer en "fin de programme". Pour l'heure, nous allons à Pichon "Comtesse"...
Nous voyons son directeur technique, Thomas Do Chi Nâm qui est ravi de découvrir le livre.
"oui, oui, la préface est de Hugh Johnson..."
Puis c'est Jean-René Matignon, du Pichon d'en face qui admire l'ouvrage.
Nous fonçons ensuite à Lynch-Bages pour retrouver Jean-Michel Cazes. Depuis le début, il nous soutient, et apprécie de découvrir le livre enfin achevé.
Puis Jean-Charles le rejoint. J'adore cette photo du père et du fils ;o)
Et nous voilà à Lafite-Rothschild !
Nous sommes accueillis par l'équipe au complet (Charles Chevallier, Christophe Congé et Régis Porfilet) qui non seulement ne nous fait pas la g... pour notre retard, mais plutôt la fête. Alors que nous apprêtons à prendre congé au bout de 10 minutes de discussion, Charles Chevallier nous invite à boire un verre de champagne ... Rothschild.
Bon, allez, c'est difficile de refuser une offre pareille...
Ce champagne est la seule collaboration entre les différentes familles de Rothschild ("Mouton", "Clarke" et "Lafite", si j'ose le résumer ainsi*...). Il est élaboré à Vertus, ce qui ne me surprend pas vraiment à la dégustation. La robe est d'un beau doré, à la bulle fine. Le nez est sur la noisette et le le pain grillés, la brioche toastée, le tout rafraîchi de notes de pomme verte. La bouche est fine, savoureuse, avec une bulle peu envahissante, et surtout marquée par une acidité tranchante qui étire le vin jusqu'à une finale à la mâche calcaire. C'est bon, reste à voir le prix...
Avant dernière-étape : Cos d'Estournel, situé sur la croupe d'en face.
Dominique Arangoïts, le directeur technique, regarde le livre avec intérêt puis nous sert les trois 2009 du domaine. Je remets ici mes notes d'avril dernier, car je n'ai pas constaté de changements marquants...
La Goulée (Médoc, vinifié par l'équipe de Cos d'Estournel) : nez de cabernet bien mûr, vivifié par des notes iodées, salines. Bouche ronde, fraîche, éclatante, avec une jolie texture. Finale nette et mûre. Une gourmandise !
Les Pagodes de Cos : nez très mûr, fin. Bouche ample, mûre, d'une belle concentration sans tomber dans l'excès, avec des tannins serrés, mais très doux. Finale puissante tout en restant raffinée.
Cos d'Estournel : nez extraverti sur la crème de fruits noirs, avec une pointe de menthol et une touche de figue mûre. Bouche de très grande ampleur, puissante, d'une rare intensité, qui sème le doute chez le dégustateur. Est-ce encore du Bordeaux ? Ceci dit, cela reste relativement frais, équilibré (malgré les 14,5° avoués). Mais un peu monolithique à mon goût autant en terme d'arômes que de texture. Vin plus impressionnant que séduisant.
Enfin, pour finir, nous allons à Pontet-Canet. L'entrevue est rapide car Jean-Michel Comme a deux heures de route pour rejoindre le domaine familial du Champ des Treilles. Nous lui demandons vraiment pardon pour notre retard, mais les circonstances étaient vraiment exceptionnelles...
Photo prise le 21 avril 2010
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* en fait les Rothschild de Clarke (Nadine et son fils Benjamin) sont de la même branche "anglaise" que Eric de Rothschild et donc co-actionnaires de Lafite.
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