Auréolé de la Palme d’Or au dernier Festival de Cannes, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures offre au thaïlandais Apichatpong Weerasethakul une véritable reconnaissance internationale. Et que son nouveau film séduise ou non, cette récompense consacre avec justesse l’originalité d’un cinéaste extra-terrestre…
En mai dernier, Tim Burton saluait “un rêve étrange et beau”. On comprend aisément l’engouement du Président du jury cannois, qui partage avec Weerasethakul un intérêt prononcé pour les univers étranges et fantastiques. Oncle Boonmee s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Aux confins des cultures animistes et hindouistes, le film s’articule autour de la fin de vie d’un homme malade, confronté au surgissement de nouvelles réalités : apparition de fantômes, souvenirs de vies antérieures, passage vers la mort… Oncle Boonmee est à la frontière de plusieurs mondes, du passé comme du futur, de l’ici comme de l’au-delà.
La comparaison pourrait s’avérer hasardeuse, mais en rapprochant ce film de 2001, L’Odyssée de l’Espace (notamment pour sa structure cyclique du temps), la critique des Cahiers du Cinéma dégage un enjeu majeur de cette Palme d’Or. A la fois très limpide dans son cheminement, lent et beau (chaque plan se révèle d’un incroyable équilibre où chaque personnage fait partie d’un tout qui le transcende), Oncle Boonmee partage avec l’œuvre de Kubrick ce paradoxe de la « simplicité complexe » : le film fait appel à des références mythologico-mystiques peut-être évidentes pour un Thaïlandais, mais totalement désarçonnantes pour le spectateur du monde occidental.
Le certain hermétisme qui se dégage de l’ensemble n’est alors pas tant un défaut en soi qu’une conséquence logique de la démarche de Weerasethakul, qui développe son film à partir de ses propres codes et valeurs. Face à Oncle Boonmee, l’enjeu n’est pas de comprendre mais de ressentir, de vivre une expérience de cinéma où le personnage principal est avant tout… la jungle. Les dialogues s’invitent peu, mais la nature, elle, ne cesse d’occuper l’espace sonore. L’immersion dépasse le cadre de la caméra : les bruits d’animaux précèdent l’image et lui succèdent. Telle la première scène du film, où un buffle domestiqué s’échappe dans la forêt vierge, Oncle Boonmee s’inscrit en communion avec une nature où l’humain n’est qu’un Être de passage. Une philosophie de vie, par-delà le cinéma.
En salles le 1er septembre 2010
Crédits photos : © Pyramide Films