e nouveaux enjeux déterminent le futur technologique: changement climatique, eau, ressources minérales, vieillissement de la démographie… Ces changements inéluctables auront un impact sur tout entreprise industrielle: la normalisation devient alors un enjeu stratégique et une problématique sociétale. Entreprise et société sont de plus en plus inextricablement liées.
De nombreuses technologies sont transversales, diffusantes, au sens où elles concernent différents secteurs industriels comme les technologies de l’énergie, des TIC, les nanotechnologies… A partir de ces technologies clés génériques, l’ingénieur devra élaborer des solutions spécifiques face aux problèmes concrets qui surgissent au fil du temps, des évolutions et révolutions…
L’entreprise, quant à elle, devra établir une relation incontournable entre sa technologie, qu’elle a créée ou qui constitue son choix stratégique, et l’activité industrielle de son secteur. La normalisation est ainsi un facteur clé du succès d’une entreprise : dans un contexte de compétition, elle doit infléchir le choix de la normalisation vers son propre standard. Elle disposera alors d’un marché de taille critique structuré autour de logiques d’interopérabilité, interchangeabilité et compatibilité d’équipements. Dans le cas contraire, l’addition sera élevée car elle risque des coûts d’adaptation élevés comme des changements de process, d’équipements, de personnel (qui auront de toute façon un retard dangereux sur la concurrence), ou même de perdre l’accès au marché (choix du consommateur vers les produits normalisés, barrières à l’import/export).Désormais, l’entreprise industrielle doit intégrer dans sa stratégie en amont la normalisation de la technologie.
La norme est ainsi devenue, au niveau du marché et dans une perspective stratégique, un avantage concurrentiel. Elle change littéralement la notion de la compétition et de sa mise en œuvre. L’entreprise qui gagne n’est plus celle qui détient juste un savoir-faire qu’elle ne partage pas ; c’est désormais, pour le meilleur et pour le pire, celle qui définit la typicité d’un produit sur le marché et protège le savoir-faire indispensable pour produire, ou produire le plus efficacement, cette typicité. Cela change conceptuellement la relation concurrentielle : l’entreprise ne peut plus se limiter à être sur la défensive, elle doit également passer à l’offensive pour imposer sa norme.
Du point de vue sociétal, cette évolution est troublante : l’entreprise devient alors un moteur direct de l’évolution sociale. En effet, un choix technologique n’est pas innocent : la technologie clé choisie pour la gestion des données informatiques ou de sécurisation des lieux publics n’est pas sans effet sur le respect de la vie privée. On assiste également à la dynamique inverse: le principe de précaution semble aujourd’hui freiner l’avancée des nanotechnologies en France. En effet, les rouages administratifs de la normalisation ne sont pas insensibles au regard public qui est, de nos jours, très craintif face au changement.
Alice Lacoye Mateus