A moins d'être vraiment malade, ou, à la rigueur, un FARC soi-même -- et encore --, il est impossible de ne pas souhaiter la libération d'Ingrid Betancourt, et de trouver inhumain l'injustice qu'elle subit depuis si longtemps. Juste pour être très clair.
Et pourtant... il ne faut pas se laisser happer par la machine à communication de notre Très Grand Homme (TGH), qui sait si bien instrumentaliser nos propres sentiments. Et dans le système de communication sarkozyënne, Ingrid Betancourt permet de symboliser toute la souffrance du monde, et, surtout, toute la souffrance... de la France. Par là, je veux dire que toute cette histoire d'une intervention passionnelle du Président, même si elle est motivée, aussi, et en partie, par des sentiments honorables, va servir à maintenir l'image d'un président sympa, prêt à faire n'importe quoi pour aider les misérables, image qui va ensuite lui permettre d'être d'autant plus sévère dans les confrontations sociales et économiques.
Autrement dit, il y a un équilibre qu'il faut maintenir : il ne faut pas que le président paraisse trop méchant, trop dur. Avec Ingrid Betancourt, il trouve le moyen de continuer à être sympa, pour nous le faire payer plus tard sur des questions qui concernent non pas une seule personne, mais des millions de chômeurs, précaires, smicards, étrangers, demandeurs d'asile. Leur souffrance est trop banal pour la télé, elle n'a pas de commune mesure avec celle de l'ôtage des FARC. Et pourtant, quantitativement, elle est énorme. Et médiatiquement invisible.