A propos de notre Très Grand Homme (TGH), Nicolas Sarkozy, la formule "Père Fouettard ou Père Noël" est en train de devenir un lieu commun, à juste titre, d'ailleurs, tant ces deux caricatures sont finalement assez peu caricaturales.
Alors, puisque nous sommes le 25 décembre, nous avons toutes les raisons d'essayer de comprendre cette situation. Souvent, on voudrait y voir une sorte de contradiction, genre Docteur Jekyl et Monsieur Hyde. Le TGH n'est pas, bien entendu, à une contradiction près, mais, dans l'esprit de Noël, je pense que je peux trouver de bonnes raisons pour dire que les deux Pères qui habitent notre président baignent dans une entente parfaite et sans failles. Ou, pour le dire plus sèchement : il y a une continuité théorique parfaite entre les deux.
La clef du système est dans le point de vue individuel. En somme, ce n'est pas un système, du moins pas un système politique. La clef, c'est: je te donne tout ce que tu veux, tandis que les autres, on les emmerde, toi et moi. Le "je" ici ne peut qu'être Sarkozy. Il n'y a qu'un seul je dans le système. Le "tu", en revanche, peut être n'importe qui : un fonctionnaire, un FARC, un chômeur, un Guide, un électeur Front National, un socialiste "ouvert"... peu importe. N'importe quel être humain, n'importe quel groupe peut, le temps d'une phrase ou deux, se trouver à la place de ce "tu" qui va enfin recevoir ce qu'il mérite. Le Père Noël arrive, mais n'est pas très grand, et il a des chaussures à glands.
Le communisme promettait le bonheur pour tous, grâce à la mise en commun des ressources. Sarkozy, quant à lui, est plus réaliste. En plus, il croit au mérite. L'argent, il ne peut pas le fabriquer. Donc il faut le prendre quelque part. Si on le prenait chez les autres? Je te donne ce que tu veux. En plus, je le prend chez eux, les autres. De toute façon, les autres, on ne les aime pas. On les déteste, en y réfléchissant. C'est encore mieux que de promettre le bonheur pour tout le monde. Sarkozy promet le bonheur pour toi, et le malheur pour eux. Malheur bien mérité. Ils l'ont bien cherché, leur Père Fouettard.
Pour l'instant, son système marche surtout pour lui. Car le "tu", ça peut aussi être le TGH lui-même. Je (Sarkozy) te (Sarkozy) donne ce que tu veux. "Eh bien, je veux une super-augmentation de mon salaire." Tiens, la voilà ton augmentation. "Merci! Je veux aussi garder mon salaire de ministre!" Pas de problème! Pendant ce temps-là, les vieux pauvres sont appelés à payer leur redevance. Pendant ce temps-là, fait du chiffre sur les clandestins pour remercier électeurs Front National. Pendant ce temps-là... la liste est longue.
Être le Père Fouettard pour les autres, c'est finalement le meilleur moyen d'être le Père Noël pour toi (pas pour vous, cher(e) lecteur ou lectrice, évidemment, mais pour le toi mobile de la séduction sarkozyënne). Gentil, plein d'optimisme et de promesses pour toi, sévère, brutal avec eux. C'est largement mieux que l'utopie communiste, car chez eux même les autres étaient censés être contents. Alors qu'ils ne le méritaient pas du tout.
Le problème évident avec ce système qui n'en est pas un, c'est qu'il ne peut pas s'appliquer à tout le monde. Enfin, il ne pourrait pas s'il devait devenir un modèle de société. Si chacun est censé pouvoir se reconnaître dans ce "tu", il est difficile d'imaginer la société qui en resulterait, puisque évidemment, chaque tu est un eux pour les autres tu. Mais le sarkozysme n'est pas une pensée politique, c'est une technique de persuasion. Ce que l'on savait déjà.
Et sur ce, bon Noël!