La journée terrible commence tôt. Nous devons aujourd'hui monter 2000 mètres de dénivelé, et dormir à 3800 mètres d'altitude. Aluo, notre guide, estime à 9 heures la durée d'ascension. Lever 6h30 et revue de l'itinéraire des jours suivants:
Bientôt, nous émergeons de la première couche de nuages. A nos pieds, un tapis que percent les sommet les plus hauts:
Au fil de l'interminable ascension, les paysages se succèdent en strates: rainforest par étages, aux racines vivaces et arbres sombres qui s'entremêlent, forêts plus douces, ou encore massifs de fleurs à butiner, jaunes, bleues, violettes.
Notre guide pressent une averse vers 17 heures (comme chaque jour en fait...) et s'inquiète; bientôt nous repartons, au rythme de scaphandriers en eaux profondes ou de spationautes en sortie de bricolage - nos pas sont alentis et maladroits mais nous coûtent des efforts immenses.
Vers 4 heures, la bruine annoncée se déclenche. Nous marchons une heure sous ce rideau léger; nous ne savons quelle distance il nous reste à parcourir.
Soudain, après le franchissement d'un arbre immense effondré en travers du chemin, Aluo nous indique l'emplacement de notre campement, sur le versant opposé. Après une dernière montée abrupte, où nous mettons nos dernières forces, nous laissons tomber nos sacs à terre et nous nous laissons tomber sur eux.
Aluo et ses deux aides se sont déjà mis au travail d'arrache-pied, ou plutôt d'arrache-arbres: munis de leurs machettes, il abattent de quoi faire un grand feu et l'abriter du vent. Pendant ce temps, nous montons péniblement nos tentes.
La pluie fine s'était arrêtée; elle a repris alors que le feu flambe déjà bien, et qu'Aluo vient nous appeler pour dîner.
Nos coeurs battent une chamade scientifique pulsant l'oxygène rare, face aux neiges sacrées du mont Kawa Karpo.