Intarissablement
Dire qu’au fond des cieux n’habite nul Songeur,
Dire que par l’espace où sans fin l’or ruisselle,
De chaque atome monte une voix solennelle
Cherchant dans l’azur noir à réveiller un coeur!
Dire qu’on ne sait rien! et que tout hurle en choeur.
Et que pourtant, malgré l’angoisse universelle,
Le Temps qui va roulant les siècles pêle-mêle,
Sans mémoire, éternel et grave travailleur,
Charriant sans retour engloutis dans ses ondes
Les cendres des martyrs, les cités et les mondes,
Le Temps, universel et calme écoulement,
Le Temps qui ne connaît ni son but, ni sa source,
Mais rencontre toujours des soleils dans sa course,
Tombe de l’urne bleue intarissablement!
(Jules Laforgue)