Je suis partout, je m’occupe de tout. Les deux sujets d’actualité que constituent la réforme des retraites et la déchéance de nationalité rappellent à ceux qui l’avaient oublié que Nicolas Sarkozy fait peu de cas de la séparation des pouvoirs. “Sarkozy a tranché“, “Sarkozy a décidé” nous répète-t-on à longueur de journée comme si après tout il était normal que le président décide, et que le parlement enregistre.
“Sarkozy n’aime que les frontières qu’il se choisit” écrivait déjà en 2007 Caroline Fourest à propos du mépris du Chef de l’Etat pour la séparation des pouvoirs. Force est de constater que celles-ci ont été repoussées très loin. Si le Sénat se révèle moins docile que la chambre basse, le comportement godillot des députés UMP entretenu par un Président de l’Assemblée ectoplasmique pose un véritable problème démocratique.
Comment ne pas être atterré de relever que sur le sujet de l’extension de la déchéance de la nationalité , pouce levé ou abaisséà la romaine, le locataire de l’Elysée puisse penser qu’il n’appartient qu’à lui de décider de qui peut ou pas demeurer français ?
Nicolas Sarkozy confirme son statut de délinquant constitutionnel multi-récidiviste. Bien assis sur la séparation des pouvoirs avec le législatif le Chef de l’Etat, garant selon les textes du respect de la Constitution et des Institutions, ignore superbement l’article 1 de la Constitution qui pose le principe d’égalité entre les citoyens. Les extensions de déchéance de nationalité voulues par l’Elysée empruntent comme l’écrit Les Echos, une voie juridique étroite.
La raison voudrait que nos braves députés corrigent les dérapages d’un président qui avant d’être celui de tous les français s’affiche comme le chef d’une faction. En confiant d’une certaine façon les pleins pouvoirs à l’Elysée ils endossent une lourde responsabilité dont le simple fait de parler de malaise dans la majorité ne saurait les exonérer.
Dans la même veine, le fait l’Élysée annonce la création d’une “mission d’expertise” pour étendre la procédure d’opposition à l’acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison confirme le rôle secondaire du gouvernement et du parlement confinés dans des fonctions de simple intendance des désirs présidentiels.
Le poids des conseillers de l’Elysée, plus ou moins dans l’ombre, témoigne d’une rupture constitutionnelle qui ne dit pas son nom : une présidentialisation effective du régime. L’omniprésence médiatique de Claude Guéant et d’Henri Gaino sur le dossier de la réforme des retraites relance à cet égard le débat sur le poids et le rôle des hommes du président par rapport à des ministres pantins dont les ficelles sont de plus en plus visibles.
La Sarkozysation des esprits est plus qu’entamée. Contrairement à ce qu’écrivent dans l’ambiance du moment de nombreux journaux, le chef de l’Etat ne décide pas des modifications codifiant la déchéance de nationalité. Le président de la République a simplement tranché sur des amendements qui devraient être intégrés au projet de loi sur l’immigration qui doit être examiné par le Parlement à partir du 27 septembre
Les mots ont toute leur importance. Un projet de loi est un texte de loi déposé par le gouvernement, par opposition à une proposition de loi qui émane d’un parlementaire. Les raccourcis sémantiques sont dangereux et entretiennent dans l’esprit des citoyens l’idée que le parlement ne serait qu’une simple chambre d’enregistrement même si les faits confirment ce sentiment.
Dans ce contexte, le Conseil Constitutionnel et l’ordre judiciaire constituent les derniers garde-fous. Il est vraisemblable que l’extension des déchéances de nationalités ne survivra pas aux fourches caudines des Sages. Vêtu des habits du populisme et paré des thèses du Front National, Nicolas Sarkozy aura alors beau jeu de dénoncer ce pouvoir des juges qui fait obstacle à la concrétisation de ses promesses.
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