Après une brève introduction, Virginie Despentes entre dans le vif du sujet pour présenter en cinq chapitres et une conclusion sa vision des relations hommes/femmes ou plutôt pour dénoncer l’attitude de la gente masculine à l’égard des femmes. Le premier article au titre fleuri (Je t’encule ou tu m’encules ?) est un état des lieux général sans grand intérêt. C’est dans les trois suivants que le propos devient vraiment intéressant. Abordant successivement les questions du viol, de la prostitution et de la pornographie, Virginie Despentes ne mâche pas ses mots, mais son point de vue, bien que décalé par rapport au discours bien pensant, est d’une grande lucidité et sonne fort juste. Il faut dire aussi que la jeune femme a eu le malheur d’être la victime d’un viol collectif. Elle s’est également prostituée et a côtoyé de très près le monde du cinéma X. Elle sait de quoi elle parle et ça se sent. On est donc très loin des doctrines défendues par des pseudo-spécialistes qui théorisent de loin sans jamais avoir vécu ce dont il parle. Le propos est sincère et réfléchi, parfois très dur sans jamais devenir haineux, bref très structuré et fort instructif.
Finalement, seuls les deux derniers textes me posent problème. Par exemple, l’attaque en règle contre la féminité y est aussi stupide qu’éloignée de la réalité : « Après plusieurs années de bonne, loyale et sincère investigation, j’en ai quand même déduit que la féminité c’est la putasserie. L’art de la servilité. On peut appeler ça séduction et en faire un machin glamour. Ca n’est un sport de haut niveau que dans très peu de cas. Massivement, c’est juste prendre l’habitude de se comporter en inférieure ». Dans le même ordre d’idée, la sentence définitive qui fait de tous les hommes des homos refoulés est trop lapidaire pour être crédible. Pour le coup, l’argumentation est un peu légère et tient plus du café du commerce que de la réflexion profonde.
Conclusion définitive de l’auteur : la vie n’a de raison d’être que si elle est punk rock. Certes, pourquoi pas. Mais on a quand même le droit de penser différemment.
Au niveau du style, il faut reconnaître que la prose est très « relâchée ». Le niveau de langue est sur certains passages très peu soutenu et les grossièretés s’enchaînent sans temps mort, ce qui ne m’a pas du tout perturbé. D’ailleurs l’ensemble reste fluide et coule tout seul, il faut juste ne pas s’attendre à lire l’essai d’un universitaire au vocabulaire abscons.
Bref, il y a à prendre et à laisser dans ces textes volontairement (et parfois gratuitement) provocateurs. Mais il n’empêche, la démarche est courageuse. Et je ne regrette pas du tout d’avoir découvert l’avis de Virginie Despenstes sur ce que doit être le nouveau féminisme, même si je ne partage pas toujours son point de vue.
King Kong Théorie, de Virginie Despentes, Le livre de poche, 2010. 150 pages. 5 euros.
L’info en plus : Virginie Despentes achève en ce moment le tournage de son second film, tiré du roman Bye Bye Blondie. Il regroupera à l’affiche, entre autres, Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle. Son premier long métrage, Baise-Moi, avait subit en 2000 les foudres de la censure et suscité de nombreuses polémiques, tant dans la presse que chez les spectateurs. Espérons que ce deuxième essai dans le 7ème art fera moins de vagues, même si, après tout, la polémique est bonne pour le buz, comme disent les d'jeunes.